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du bien que ce que vous me dites de vous-même a fait à ce cœur qui vous aime si tendrement. J’ai cru lire une lettre de notre pauvre Babet, »

Les choses en sont là, lorsque au mois d’avril, arrivent à Varsovie coup sur coup los nouvelles les plus tragiques : l’arrestation de Georges Cadoudal et de ses complices, celle de Pichegru, celle du duc d’Enghien si promptement suivie de la mort, de presque tous ces malheureux. Elles causent au Roi une stupéfaction douloureuse et d’autant plus vive qu’il ne savait rien, absolument rien des menées ténébreuses qu’a découvertes la police consulaire et qui ont amené la catastrophe. En ce qui touche Cadoudal et ses complices, il ne se fait aucune illusion ; il prévoit le dénouement ; « Quoique je fusse, ainsi que je vous l’ai mandé, bien certain que vous ignoriez le projet, je ne reviens pas du cruel mystère qu’on vous en a fait. Je dis cruel, car je suis bien sûr, ainsi que vous me le dites, que vous vous seriez hâté de m’en rendre compte et, peut-être, une défense de ma part eût-elle empêché tant de têtes précieuses d’être compromises, hélas ! je puis dire perdues ; ou si j’avais approuvé le plan sur lequel je n’ai au moment où je vous écris pas plus de lumières que vous, au moins ses auteurs n’auraient pas pris sur eux une si terrible responsabilité. Mais, loin d’accuser ces infortunées victimes de leur zèle pour la bonne cause, pleurons-les. Le plus tendre intérêt, les regrets les mieux sentis, voilà ce que nous leur devons. »

Il n’est pas moins inquiet pour le duc d’Enghien. Quoique convaincu que le jeune prince n’a pris aucune part au complot de Cadoudal, il redoute que Bonaparte ne se venge sur lui de ses griefs contre les Bourbons. « On dit qu’il est bien traité à Strasbourg, mais je ne le sais pas de source certaine. D’ailleurs on ne peut préjuger, d’après les premiers momens, ce qui se passera lorsque les ordres de Paris seront arrivés. » Mais, le 19 avril, il apprend que le duc d’Enghien a été exécuté. Sa première pensée est pour le prince de Condé et le duc de Bourbon, grand-père et père de l’infortuné qui vient de périr : c’est à eux qu’il écrit d’abord.

« Je reçois l’affreuse nouvelle, mon cher cousin, dit-il au prince de Condé, j’aurais plus besoin de recevoir moi-même des consolations, que je ne suis en état de vous en donner. Une seule pensée peut nous en fournir, il est mort comme il avait