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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 31.djvu/900

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fonction psychique. Quand on trouve des lésions à l’autopsie des aliénés, c’est dans l’écorce cérébrale qu’elles siègent. Voilà un point acquis et qui, à lui seul, suffit à prouver que la fonction psychique est localisable dans le cerveau.

Avec une moins grande certitude, mais avec un haut degré de vraisemblance et de probabilité, on peut aller plus loin et assigner, dans cette écorce cérébrale, un siège différent aux centres du psychisme supérieur et aux centres du psychisme inférieur, dont nous avons appris[1] à distinguer le fonctionnement. On sait très positivement que la lésion de certaines parties de l’écorce (lobe préfrontal, partie la plus élevée du cerveau) entraîne des troubles mentaux profonds, tels que la perte de la volonté libre et consciente, tout en laissant intact, ou à peu près, le fonctionnement du psychisme inférieur, c’est-à-dire le psychisme automatique et inconscient.

Ainsi une de ces malades, observée par Cestan et Zejonne, répondra bien aux questions posées quand elles sont simples et ne nécessitent aucun effort personnel ; elle répétera des phrases brèves prononcées devant elle, fera même des additions faciles comme trois et quatre ou six et trois. Mais, si la réponse est plus compliquée, nécessite une certaine réflexion et un effort intellectuel bien personnel, la malade reste immobile, répond avec une placidité souriante qu’elle ne sait pas et n’essaie même pas d’en faire davantage. Et on trouve, à l’autopsie, chez cette malade, une tumeur du lobe frontal.

Les faits de ce genre (et ils commencent à être nombreux) prouvent deux choses : d’abord (ce que l’on sait depuis longtemps) qu’il y a des parties du cerveau nécessaires à la fonction intellectuelle supérieure ; en second lieu (ce qui est plus récemment acquis) que la maladie de ces parties du cerveau ne supprime pas toute intellectualité, qu’il y a d’autres parties du cerveau qui président aussi au psychisme, à un psychisme inférieur sans doute, mais à un psychisme réel.

Par conséquent, ces faits prouvent scientifiquement que le centre cérébral de la pensée et de la raison est complexe et divisible. Dès lors, on comprend qu’il y ait, chez les hommes bien portans, des développemens inégaux de certaines facultés et on prévoit la thèse que je développerai plus loin qu’un homme

  1. Voyez la Revue du 15 mars 1905.