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dont il aurait mieux valu que les germes funestes fussent étouffés à Algésiras. Voilà pourquoi l’échec de la Conférence ne nous laissera pas indifférens. Mais si cet échec doit avoir pour conséquence le maintien du statu quo, soit : nous préférons le statu quo à l’internationalisation politique et militaire du Maroc. Chacun usera sur le Maghzen de ses moyens, qui pourront être faibles et le seront certainement après l’éclatant succès de l’inertie marocaine sur les combinaisons contrariées de la diplomatie européenne. Quels que puissent être les moyens d’action de l’Allemagne, nous n’aurons pas du moins à nous faire le reproche de les avoir décuplés en leur donnant la force d’une internationalisation apparente qui, en réalité, ne profiterait qu’à elle, et ne menacerait que nous.


Lorsque nous annoncions, il y a quelques semaines, la transformation qui venait de se produire dans le ministère Fortis, c’était, on s’en souvient, sans beaucoup d’illusions dans le résultat de l’opération. Elle n’avait pas, en effet, corrigé le principal défaut du ministère, qui était d’être composé de pièces et de morceaux très disparates et d’élémens, nous allions dire d’échantillons, pris dans tous les groupes de la Chambre depuis la droite jusqu’à la gauche. La difficulté était grande, d’ailleurs, non seulement pour M. Fortis, mais pour tout ministre italien : comment faire un cabinet homogène avec une majorité qui ne l’est pas ? Dès que la Chambre a été réunie, M. Fortis a eu à soutenir un violent assaut auquel il n’a pas eu la force de résister. En vain a-t-il été défendu par M. Giolitti ; M. Giolitti a été battu avec lui, et le seul effet du courageux appui qu’il a donné à son successeur et ami a été de se rendre lui-même impossible ; il a été mis du même coup hors de combat. Restait M. Sonnino qui avait pris la part principale à l’attaque contre M. Fortis. Que lui reprochait-il ? Ce que nous avons dit plus haut, à savoir que son ministère était trop hétérogène pour gouverner d’une manière active et féconde, car il n’y a pas, il ne peut pas y avoir de gouvernement véritable sans unité. Rien n’est plus vrai en théorie. Aussi M. Sonnino, homme de la droite, a-t-il brillamment renversé M. Fortis… avec l’appui de la gauche. Il s’est déclaré partisan du suffrage universel, qu’il ajourne d’ailleurs au moment où l’instruction sera plus répandue dans le peuple : cela a suffi pour lui assurer le concours d’une partie de la gauche, et même de la plus accentuée. La victoire qu’il venait de remporter le désignait au Roi pour former un nouveau cabinet.

Il l’a formé en effet, et il y a fait entrer dans une proportion