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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 32.djvu/212

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La douce perfidie et la ruse subtile
Auraient conduit mes jeux
Dans les jardins secrets où l’ardeur juvénile
Jette un soupir joyeux.

On n’aurait jamais su ma peine ou mon délire,
Je n’aurais pas chanté,
J’aurais tenu sur moi comme une grande lyre
Les soleils de l’été ;

Peut-être que ma longue et profonde tristesse
Qui va priant, criant,
N’est que ce dur besoin, qui m’afflige et m’oppresse,
De vivre en Orient !…


UN JARDIN


Petit jardin avec un poivrier
Assis en France auprès de l’Italie,
Je pense aux jours où vous m’enivriez
D’azur, de rêve et de mélancolie !

Comme le soir vous jetiez sur mon cœur
L’amer parfum des lis, des bigarades,
Quand je marchais en repoussant l’odeur,
Qui revenait comme un flot dans la rade.

Au cercle étroit d’un bassin rond et gris
L’eau s’endormait, petite eau qui se rouille ;
Et j’entendais monter jusqu’à mon lit
Le chant profond et triste des grenouilles.

Je me levais, je voyais le jardin ;
Les beaux cailloux avec leur cœur de pierre
Gisaient en paix sous le ciel argentin,
L’arbre indolent semblait être en prière ;