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REVUE MUSICALE

LES SONATES POUR PIANO DE BEETHOVEN ET M. EDOUARD RISLER

« Toujours du Beethoven, mais longuement cette fois, et tout ce qui te viendra. » Taine parlait un soir de la sorte à son ami Wilhelm le musicien[1]. Neuf fois, et non point une seule, chaque samedi, de la fin d’octobre à la fin de décembre dernier, M. Edouard Risler nous a joué du Beethoven, toujours du Beethoven. Et ce qui lui « vint, » à l’admirable artiste, au cours d’une saison qui n’avait pas encore eu parmi nous sa pareille, ce ne fut rien moins que l’œuvre de piano presque tout entier, les trente-deux sonates du maître.

Neuf soirées, consacrées à un seul musicien, par un seul interprète ! Il n’y a que Beethoven pour mériter, j’allais dire pour supporter un tel hommage. Il n’y a que M. Risler aujourd’hui pour le lui rendre. Un public heureusement s’est trouvé, chaque fois plus nombreux, plus attentif et plus ému, pour y participer et pour y applaudir.

Sans une défaillance, bien plus, avec une force, une inspiration toujours croissante, M. Risler a soutenu jusqu’au bout sa magnifique et redoutable entreprise. Les premières notes de la première sonate, résonnant sous ses doigts, avaient été pour nous le signal d’un long espoir et le gage d’une joie infinie. Elles ne mentaient pas et la suite a justifié leurs promesses. Assurément on attendait de M. Risler autant d’éclat et de puissance, de profondeur et de mystère dans les grandes sonates ; peut-être moins de charme et de poésie, moins

  1. Thomas Graindorge, ch. XXIV (Un tête-à-tête).