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Il y a deux parties dans l’Encyclique : si nous avons parlé d’abord de la seconde, c’est parce qu’elle a probablement déterminé l’opportunité de la publication. La première est une condamnation très éloquente, très véhémente aussi, de la loi de séparation. Le Saint-Père en blâme tout, principes et détails, et il le fait dans un langage qui, tombant de si haut, ne pouvait manquer ni d’autorité, ni de gravité : il a mis de l’ampleur dans les développemens, de la chaleur dans la diction, une incontestable grandeur dans le ton général. Allons au fond des choses : a-t-il dépassé la mesure dans la condamnation radicale qu’il a lancée contre la loi ? Non, certes : nous avons été aussi sévères que lui. Sans dire doctrinalement que le régime de la séparation est mauvais en soi, puisqu’il est appliqué librement dans certains pays où personne ne s’en plaint et où personne même ne pourrait en concevoir un autre, nous estimons qu’il est contraire à nos vieilles mœurs et au caractère qu’elles nous ont fait. C’est ailleurs un instrument de paix, et chez nous un instrument de guerre. Laissons de côté les dispositions de la loi : nous en avons suffisamment parlé pendant qu’on les discutait à la Chambre et au Sénat. Mais le fait seul que le Concordat, qui était un traité bilatéral, a été déchiré par une seule des deux parties, et que celle-ci n’a même pas eu envers l’autre la convenance élémentaire de lui en notifier la suppression, est considéré par le Pape comme une injure envers le Saint-Siège apostolique, de même que la prétention de légiférer sur des matières communes sans aucune entente avec lui est, à ses yeux, une tentative indirecte de schisme. Tout cela est parfaitement vrai. Le gouvernement de la République aurait pu atteindre le but qu’il se proposait, c’est-à-dire la séparation, dans des conditions bien meilleures, plus équitables et plus sûres, s’il avait usé d’autres procédés. Mais la loi est la loi, et, comme il n’y a aucun espoir d’en obtenir une modification immédiate, quelle est la question qui se pose aujourd’hui ? Une seule, celle de savoir l’attitude que les catholiques ont à prendre à son égard. Doivent-ils, oui ou non, s’y soumettre, c’est-à-dire essayer de s’en accommoder ? Doivent-ils ne pas s’y soumettre, c’est-à-dire faire comme si elle n’existait pas, et renoncer à ses avantages pour échapper à quelques-uns de ses inconvéniens ? À cette question, l’Encyclique ne fait aucune réponse, non pas qu’elle l’ignore, mais parce que son auteur estime que le moment n’est pas encore venu de la trancher. Il en résulte une situation qui n’est pas sans péril. Les catholiques passionnés, ardens, violens, que nous avons vus à l’œuvre il y a quelques jours, liront l’Encyclique, ou du