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pêcheurs-là qui, au Venezuela, compliquent la politique, embrouillent les affaires et aigrissent les relations internationales.

Il est malaisé de suivre dans leurs complications les rapports du Venezuela avec la France et les autres puissances étrangères ; heureusement il n’est pas nécessaire d’introduire le lecteur dans ce maquis d’ententes, de ruptures, d’interventions, de traités et de protocoles qui constitue l’histoire du Venezuela en ces dernières années ; il suffira d’en raconter certains épisodes caractéristiques dont la connaissance est nécessaire à l’intelligence de la crise actuelle.

Lorsqu’en 1885, le gouvernement français rétablit avec le Venezuela les relations diplomatiques interrompues depuis 1881, le traité du 26 novembre stipulait le paiement immédiat du reliquat des créances reconnues par une convention remontant à 1864, le paiement des réclamations réglées en 1867 et 1868 et enfin l’institution d’une commission pour la fixation des indemnités réclamées depuis 1868. Mais un dangereux article 5 fut introduit dans le traité.


Afin d’éviter à l’avenir tout ce qui pourrait troubler leurs relations amicales, les hautes parties contractantes conviennent que leurs représentans diplomatiques n’interviendront point au sujet des réclamations ou plaintes des particuliers concernant les affaires qui sont du ressort de la justice civile ou pénale, d’après les lois locales, à moins qu’il ne s’agisse de dénis de justice ou de retards en justice contraires à l’usage ou à la loi, de l’inexécution d’un jugement définitif ou enfin au cas où, malgré l’épuisement des moyens légaux, il y a violation évidente des traités ou des règles du droit des gens.


Notre diplomatie, en faisant à la justice vénézuélienne un si large crédit d’indépendance et d’impartialité, préparait pour l’avenir les plus dangereuses complications ; sans doute, théoriquement, le Venezuela ne saurait être considéré comme pays de Capitulations, et les étrangers qui y vivent devraient être soumis à ses lois intérieures ; mais, pratiquement, il est si unanimement reconnu que le pouvoir judiciaire est dans la dépendance étroite du pouvoir exécutif, qu’il est impossible d’admettre que les intérêts les plus légitimes des étrangers puissent dépendre d’une juridiction si suspecte. Quand un Français lésé, dépouillé, se plaint à son consul et reçoit pour réponse d’épuiser d’abord les juridictions du pays, et qu’il sait qu’il sera ruiné