Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 32.djvu/440

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

spolier la Compagnie américaine New-York, Bermudez C°, qui exploite les asphaltes du lac de Guanoco.

La question des rapports de la Compagnie des câbles avec le chef de l’insurrection, Matos, est plus délicate et vaut qu’on s’y arrête. Le général Matos, dans son soulèvement de 1902 contre Castro, avait pour lui, le fait n’est pas douteux, les sympathies des représentans des grands intérêts économiques européens au Venezuela ; ils faisaient, ouvertement ou non, des vœux pour son succès, ils en espéraient un peu plus de sécurité dans les affaires et un peu moins d’arbitraire dans le gouvernement. La France, en état de rupture diplomatique avec le Venezuela, n’y était alors représentée que par un jeune chancelier tout récemment nommé vice-consul et chargé de la garde des archives. M. Quiévreux fut-il victime d’une intrigue ou ne sut-il pas assez dissimuler ses sympathies pour les insurgés, eut-il l’imprudence d’envoyer, par l’intermédiaire des bureaux de la Compagnie des câbles, des dépêches destinées à renseigner Matos ? les agens de la Compagnie des câbles auraient-ils agi seulement comme intermédiaires entre M. Quiévreux et le général Matos, ou bien auraient-ils témoigné, eux aussi, des sympathies effectives au chef de l’insurrection ? tout cela a été affirmé, mais il est difficile de rien préciser. Ce qui est certain c’est que, quelques mois après, deux employés infidèles de la Compagnie des câbles parvinrent à détourner des documens compromettans, paraît-il, pour M. Quiévreux et pour la Compagnie, et cherchèrent à les vendre à la Légation de France ; le gouvernement français ayant refusé de se prêter à un tel marché, ils offrirent les papiers au président Castro qui s’empressa de les acheter avec l’espoir de faire chanter soit la Compagnie, soit le gouvernement français. La France, depuis la reprise des relations diplomatiques, était représentée à Caracas par un ministre titulaire, M. Wiener, qu’un long séjour dans l’Amérique du Sud avait familiarisé avec la vie et les mœurs des républiques hispano-américaines ; mais les bons rapports qu’il entretenait avec le Président n’empêchèrent pas celui-ci, dès qu’il fut tant bien que mal venu à bout de l’insurrection, de songer aussitôt à tirer parti des documens qu’il avait achetés et d’entamer, contre la Compagnie des câbles, le double procès dont nous avons parlé et dont on comprend maintenant les origines et le caractère (novembre 1903). M. Quiévreux se trouvait à Paris au mois de mai