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venu, nous agirons, que la note sera payée et qu’elle sera d’autant plus grosse que plus de temps se sera écoulé. La dignité de la France y est engagée. Les journaux des États-Unis ont annoncé, dès le mois de septembre dernier, qu’une escadre se disposait à partir de Brest et que le châtiment serait exemplaire. S’abstenir serait perdre la face aux yeux du monde américain et laisser croire que l’on peut impunément porter la main sur un représentant de la France et insulter son pavillon. Reculer serait d’autant plus grave que le président Castro va partout proclamant que le gouvernement français n’osera rien faire contre lui, qu’il ne le poussera pas à bout de peur qu’il ne révèle certains dessous des négociations diplomatiques et financières. Personne, à coup sûr, ne se laissera prendre à ces procédés d’intimidation et de chantage, mais les pires bruits finiraient par trouver du crédit si l’on pouvait croire que nous dévorerons en silence l’affront qui nous a été fait.

Mais quelles mesures adopter qui ne soient ni inefficaces, ni disproportionnées avec l’importance de l’incident ? Nul ne songe, bien entendu, à entamer au Venezuela une expédition du Mexique. On a parlé d’une entente de toutes les grandes puissances intéressées pour donner à cette république trop turbulente un conseil de famille ; mais prenons garde que, depuis Monroë, toutes les républiques américaines ont un certain oncle Sam toujours prêt à revendiquer la tutelle. Nous devons savoir et pouvoir nous faire justice nous-mêmes. La division navale de l’Atlantique, sous les ordres du contre-amiral Boue de Lapeyrère, croise sur les côtes du Venezuela ; mais quelle opération devra-t-elle tenter ? Un blocus nuirait aux intérêts du commerce, même français, et pourrait entraîner des complications diplomatiques, car les 30 p. 100 des revenus des douanes sont affectés, en vertu des protocoles de Washington et de la sentence de La Haye, à payer la créance privilégiée des puissances qui sont intervenues en 1902-1903 ; sans doute, on ne saurait admettre que le fait, pour un pays, de donner sis douanes en gage, le mette à l’abri de toute mesure de coercition et puisse le soustraire aux conséquences de ses actes ; mais il n’en est pas moins vrai qu’il est préférable d’éviter toute contestation et de chercher un moyen plus pratique. La saisie d’un port exigerait relativement beaucoup de monde, car il importe avant tout de ne pas exposer nos marins à un échec,