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Les évêques de France voudront-ils s’exposer à ces conséquences, ou plutôt y exposer l’Église dont ils ont la charge ? S’ils le font, sont-ils sûrs d’être suivis par les fidèles ? S’ils sont suivis par les fidèles, pasteurs et troupeau sont-ils sûrs de ne pas regretter un jour ou l’autre l’aventure où ils se seront engagés ? Bon gré, mal gré, ces questions s’imposent à eux ; et tous ceux qui ont le souci, d’une part de la paix publique, de l’autre des intérêts des consciences, en considérant, il est vrai, ces intérêts avec les seules lumières de la raison humaine, attendent avec anxiété les réponses qu’ils vont y faire.


La Chambre, le 7 mars, a paru oublier complètement la situation extérieure. Aurait-elle renversé M. Rouvier si elle avait jeté les yeux un peu au-delà des frontières, et si son regard s’était étendu jusqu’à Algésiras ? Nous sommes malheureusement coutumiers de ces distractions en France, et elles nous font peu d’honneur. Notre excuse, si nous en avons une, est que la continuité de notre politique étrangère dépend beaucoup moins souvent qu’on ne le croit de la durée de nos ministères. Les ministères changent et la politique reste la même. Il faudrait, pour qu’il en fût autrement, que le ministre des Affaires étrangères fût renversé personnellement, après un débat où sa politique aurait rencontré l’opposition de la Chambre ; mais c’est ce qui n’arrive presque jamais, et c’est ce qui est arrivé le 7 mars moins que jamais. Tout le monde approuvait l’altitude ferme et conciliante de M. Rouvier à Algésiras : aussi la chute du ministre n’a-t-elle pas empêché sa politique de continuer de produire ses effets.

La quinzaine qui vient de s’écouler a été fertile en incidens extérieurs, et nous regrettons que l’encombrement de nos affaires intérieures ne nous permette pas de leur donner ici, non pas toute l’attention, mais toute la place qu’ils méritent. La conférence d’Algésiras s’est trouvée, le 3 mars, à un de ces tournans qui, suivant le choix qu’on y fait d’une route ou d’une autre, déterminent pour longtemps la direction des affaires. Il s’agissait de savoir, comme le demandait le plénipotentiaire italien, si les deux questions de la Banque et de la police seraient étudiés conjointement, — la première, qui était plus mûre, en séance plénière, la seconde, qui avait besoin de plus de préparation, en comité, — ou si on n’aborderait celle-ci qu’après avoir épuisé celle-là. Nous étions pour la première méthode et l’Allemagne pour la seconde, c’est ce qui faisait l’intérêt du vote : n’oublions pas qu’il n’y en avait encore pas eu jusque-là. Les puissances se sont distribuées de la manière suivante : l’Italie,