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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 32.djvu/687

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O Dieu, je vous immole, humblement prosterné,
Le douloureux amour qui m’obsède sans trêve,
Afin que vers vous seul, dans le soir d’or, s’élève
Ce cœur fragile où seul vous avez moissonné.

Un vent de sacrifice effleure les collines
Où peut-être ont prié des âmes orphelines.
Le ciel est nuancé de rose et de lilas.

Accueillez du pécheur l’offrande volontaire,
Dieu propice, et baignant d’ombre les destins las,
Versez le crépuscule adorable à la terre.


MATIN DE MAI


L’aube prépare un jour divin,
Et la solitude m’en laisse
Savourer toute la mollesse,
Comme on déguste un noble vin.

Le roc même ouvre à la lumière
Son cœur de granit qui se fend.
L’univers, ainsi qu’un enfant,
S’éveille en sa grâce première.

Des bœufs courbent leurs fronts jumeaux
Pour les tâches accoutumées,
Et de matinales fumées
S’élèvent d’agrestes hameaux.

Le bruit d’une faulx qu’on aiguise
S’ajoute au bruit d’un char lointain.
Dans des champs qui, fleurent le thym
Un lièvre roux erre à sa guise.

La brise joue avec l’osier
Sur l’étang qu’un reflet satine.
J’évoque en moi l’âme latine
Déjà prête à s’extasier.