la Prairie manquent nécessairement de variété ; il a observé des espèces, plutôt que des individus ; encore lui reproche-t-on en Amérique d’avoir jeté sur les Peaux-Rouges le regard sentimental, souvent illusionné, des voyageurs français du XVIIIe siècle. Pour cette raison peut-être, Cooper a gardé plus d’admirateurs à l’étranger qu’en son pays même ; traduit dans toutes les langues, il n’y a rien perdu, tout au contraire. Mais, quels que soient cher lui les défauts de forme, il n’en semble pas moins certain que l’Espion, le Pilote, le Pirate ne seront jamais oubliés tant qu’existera une catégorie de jeunes lecteurs passionnés pour les aventures de terre et de mer. D’autres partisans plus éclairés ne manquent pas à Cooper ; s’il a créé parfois des personnages de convention, il fut l’observateur pénétrant de la nature dans des régions inconnues avant lui et qu’on ne peut traverser aujourd’hui encore sans les peupler, par l’imagination, des Indiens, trappeurs et pionniers façonnés de ses mains. Je me rappelle avec quelle intensité les récits de Cooper, lus et relus en mon enfance, me redevinrent présens, le jour où, sur le chemin du Canada, m’apparut, un peu avant notre lac Champlain, tout parsemé d’îles verdoyantes, ce lac George auquel il attribua jadis un nom plus poétique : Eaux argentées. Ils étaient là ses bons sauvages avec leurs canots d’écorce ; je découvrais au loin leurs terrains de chasse, et il restait assez de grands bois à l’extrémité que je côtoyais de cette douce mer intérieure pour me donner l’impression des forêts vierges que hanta Bas-de-Cuir. L’œil du Dernier des Mohicans avait embrassé, comme le mien, sous les lueurs palpitantes d’un ciel nuageux, cette suite de lacs grisâtres aux frissons d’argent, il avait vu s’assombrir à l’horizon ces pics sculptés dans l’améthyste et le lapis-lazuli et le même aigle s’envoler majestueux du haut de ce sapin mort.
Les sauvages, les pionniers, les coureurs de mer, les héros de la Révolution appartiennent à Cooper comme appartiennent à Scott les vieux lairds écossais et les dans des Highlands où nous comptons tant d’amis. Scott fut assurément un plus grand constructeur de caractères que Cooper, mais tous les deux se donnèrent pour tâche de peindre le pays natal, les scènes qui les avaient entourés dès le berceau et qui servent encore de cadre à leurs tombes vénérées. Scott put y placer des manoirs féodaux, y ressusciter les mœurs d’autrefois, grouper autour de