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appartient à la race des fondateurs moroses de la République, nous les montre avec une force, un relief singuliers, créant une inquisition digne du moyen âge sur le sol où ils voulaient planter la liberté, brûlant sorciers et sorcières, attachant au pilori la femme soupçonnée d’adultère et mettant la plus cruelle intolérance au service de leur propre affranchissement religieux. Rien n’étonne autant que la persécution exercée par ces sectaires contre les quakers qui rivalisaient avec eux de vertu, d’austérité et de goût effréné pour l’admonestation.

L’époque coloniale au Nord et au Sud fut très exploitée par les romanciers, mais de fait chaque période de l’histoire des Etats-Unis, encore si courte et si peu chargée d’événemens, a trouvé son expression littéraire.

La fiction s’est enlacée pour l’embellir, comme la liane en fleur embellit la plus pauvre architecture, à cette réalité si rarement pittoresque, privée des prestiges qui s’attachent aux vieilles civilisations. Il faut apprendre à connaître les origines chevaleresques, les reliques ancestrales et les orgueilleuses traditions de la Virginie, the old Dominion, à travers les récits d’un de ses fils les mieux doués, Thomas Nelson Page ; il faut entendre Grâce King, palpitante d’émotion, raconter les vicissitudes politiques et sociales de sa Louisiane natale. D’autres ont pris pour thèmes la Révolution, l’esclavage (la Case de l’oncle Tom, ce livre de combat, pourrait être appelé avec raison un roman historique), la guerre civile de sécession, la colonisation de l’Ouest, la fièvre de l’or en Californie, la ruine et la reconstitution du Sud.

Parmi ces romans plus ou moins documentés, je voudrais citer Hugh Wynn[1], mémoires d’un quaker libre, qui fut lieutenant-colonel breveté de l’état-major du général Washington.

Ce nom de quaker libre a besoin qu’on l’explique. Pendant les dernières années qui précédèrent la séparation des colonies américaines de l’Angleterre, beaucoup démembres de la Société des Amis soutenaient que la seule résistance permise contre les oppresseurs était la résistance passive ; une minorité, — les plus jeunes sans doute, — considérait la résistance active comme un devoir, quoi que pût enseigner la religion ; il s’ensuivit de graves dissentimens, des débats orageux aboutissant à l’expulsion de

  1. London, Fisher Unwin, Paternoster square.