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logue à celui que nous invoquions. Mais, en dehors d’elle, aucune autre puissance ne pouvait tirer de sa situation géographique, non plus que des précédens historiques, un droit équivalent, et nous avons déclaré très fermement qu’il nous serait impossible de le lui reconnaître. En conséquence, nous nous sommes opposés à la proposition autrichienne relative au port de Casablanca : il y avait là pour nous un de ces principes sur lesquels on ne transige pas. Lorsqu’on nous disait que notre droit et celui de l’Espagne étaient suffisamment consacrés par l’attribution de sept ports, et qu’il ne pouvait y avoir aucun inconvénient pratique à ce que des officiers suisses ou hollandais organisassent la police dans le huitième, nous répondions qu’en effet l’inconvénient pratique immédiat n’était peut-être pas considérable, mais que l’inconvénient moral pouvait l’être ou le devenir, et qu’un principe auquel on a laissé faire une brèche n’existe plus. Notre opposition devenait plus résolue encore lorsqu’on proposait de faire de l’officier qui organiserait la police à Casablanca l’inspecteur général de tous les autres. Nous demandions la division des fonctions de policier et d’inspecteur ; nous ne pouvions pas accepter qu’elles fussent confondues dans les mêmes mains. Eh bien ! sur tous ces points on nous a donné gain de cause. L’organisation de la police a été abandonnée à l’Espagne et à la France dans tous les ports sans exception, c’est-à-dire partout où la police sera pour le moment organisée, et le dédoublement des fonctions de police et d’inspection a été opéré.

L’Allemagne a demandé alors, avec une solennité dans laquelle quelques journaux ont cru à tort reconnaître le ton d’un ultimatum, que l’inspecteur général fût l’agent du corps diplomatique à Tanger, plutôt que celui du Sultan à Fez. C’était, à notre sens, méconnaître le principe de la pleine indépendance du Sultan auquel l’Allemagne elle-même s’était à l’origine si fortement attachée : cette indépendance serait incontestablement diminuée s’il y avait au Maroc une institution politique purement européenne. Et si l’indépendance du Sultan est limitée, la logique veut que sa responsabilité le soit aussi. Que lui répondre, le jour où on lui fera des représentations sur le fonctionnement de sa police, s’il dit que cette police n’est pas exclusivement sienne, puisqu’on lui en a enlevé le contrôle pour le donner au corps diplomatique ? Il est singulier que l’Allemagne, après avoir prôné si haut la souveraineté du Sultan, ait proposé d’y porter cette atteinte indirecte.

Elle y a peut-être été aidée par les confusions de mots qui se sont