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pas moindre. Elle n’a pas d’intérêts directs dans la Méditerranée : dès lors, il était naturel qu’elle se préoccupât surtout de son alliance, comme nous l’avons fait nous-mêmes, il y a dix ans, en Extrême-Orient. N’ayant aucune raison personnelle de pencher plutôt d’un côté que de l’autre, elle avait une raison d’ordre général de nous aider dans notre tâche laborieuse, et, si elle l’a fait, nul ne peut en prendre ombrage. La divulgation des instructions qui ont été données à un certain moment au comte Cassini, venant après celle des instructions qui l’avaient été à sir Arthur Nicholson, a eu pour objet et pour effet de couper court à une campagne de fausses nouvelles qui présentaient sous un jour trompeur les attitudes de la Russie et de l’Angleterre à notre égard ; mais ce n’est certainement pas pour le gouvernement allemand qu’il y a eu là une surprise. Le gouvernement allemand, quand il a eu reconnu l’opinion unanime des puissances, a eu le grand mérite de s’en inspirer. Il a fait en cela de la politique objective : puisqu’il avait voulu servir leurs intérêts, il ne pouvait pas les comprendre autrement qu’elles et les servir malgré elles. Quant à ses propres intérêts, ils étaient très effectivement garantis par le principe de la porte ouverte et par le caractère international de la Banque d’État.

Dès lors, tout devait bien finir. Il convient aujourd’hui de regarder devant et non pas derrière soi. Si nous avons commis des fautes, nous les avons payées assez cher. Mais l’Allemagne a toujours dit, même au moment où elle semblait prendre à tâche de nous rudoyer, qu’elle n’avait d’autre intention d’avenir que de remettre les rapports des deux pays sur le pied correct qu’ils auraient toujours dû avoir. Rien n’empêche aujourd’hui que ce vœu, qui n’a pas cessé non plus d’être le nôtre, soit pleinement réalisé. Tout le monde quitte Algésiras avec honneur. L’incident qui nous a si fort agités est clos. Revenons maintenant à nos affaires générales : elles peuvent toutes être réglées courtoisement et amicalement.


Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
F. Brunetière.