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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 32.djvu/811

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troupes eurent presque de quoi vivre, mais le département, malgré les protestations des mêmes autorités, releva le taux officiel de la piastre, tandis que le taux réel continuait à s’abaisser, si bien que le tirailleur de 2e classe vit sa solde mensuelle varier de la façon suivante : 1902 : $ 6 43 ; 1903 : $ 7 50 ; 1904-1905 : $ 6 00. Le conseil de défense de la colonie, présidé par le gouverneur général, a protesté inutilement contre de pareilles mesures et réclamé en vain la solde de $ 9 qu’il estime indispensable à la nourriture des tirailleurs.

Ainsi, c’est $ 6 par mois, soit 12 ou 14 francs, que nous payons un tirailleur sans le nourrir ; nos 20 000 soldats indigènes, maintenus de trois à cinq ans sous nos drapeaux, ont pour la plupart femme et enfans ; ils meurent de faim à notre service. Cette situation, signalée depuis longtemps par le commandement et les autorités locales qui ne cessent de protester, est exposée longuement dans plusieurs documens officiels et n’a pas encore été réglée. Nous avons cherché quelques points de comparaison : nos tirailleurs sénégalais sont payés 15 francs par mois et touchent une ration de grain, de viande et de sel, qui, quand elle est perçue en argent, donne lieu à une indemnité de 0 fr. 80 par jour ; c’est donc 39 francs par mois qu’ils perçoivent quand ils ne sont pas nourris. Les puissances étrangères traitent leurs troupes indigènes à peu près sur ce pied, sauf l’Amérique, qui, particulièrement généreuse, dépense 75 francs par mois pour chacun de ses Native Scouts. Même l’économe Espagne donnait à ses soldats indigènes des Philippines 12 fr. 50 par mois et une ration journalière de deux livres de riz, ce qui équivalait à une solde de 15 fr. 90 par mois.

Il nous est donc permis d’affirmer que jamais aucune puissance civilisée n’a infligé à ses troupes le traitement que la France fait subir à son armée indigène en Indo-Chine. C’est un danger qu’il faut faire cesser immédiatement.

Nous avons vu que l’affluence des réservistes sera bientôt telle que nos effectifs indigènes dépasseraient cette proportion de trois indigènes pour un Européen, qui paraît actuellement le maximum compatible avec la solidité. En améliorant les cadres subalternes, dont l’effectif et l’instruction sont insuffisans, nous pourrons augmenter sans danger cette proportion et accroître considérablement nos forces sans dépenses nouvelles.

Le décret du 25 septembre 1905, dont les efforts du ministre