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Passons sur la Duchesse de Saint-Quentin, pièce franchement et même furieusement romantique, et arrivons à cette espèce de drame symbolique qui s’appelle les Condamnés. Salomé, la nièce d’un riche propriétaire de l’Aragon, s’est éprise de José León, un vagabond intellectuel que la rumeur publique accuse d’un assassinat, d’un incendie et de quelques autres méfaits. Elle est surprise par sa famille avec celui qui l’attire par le contraste même de sa culture et de sa situation misérable. Son parent, Santiago Paternoy qui, par sa charité et sa supériorité morale, s’est conquis dans son pays une autorité mystique, les condamne tous deux « à la vie, à l’amour même, et aux conséquences de leurs erreurs. » Sous l’influence de sa chère Salomé, José León commence à connaître le prix de la franchise. Il lui a même révélé qu’il ne s’appelle pas José León, mais Martin Bravo. Pourtant il n’a pas encore renoncé au mystère trouble qui l’enveloppe. Le sublime mensonge de Paternoy qui lui sauve la vie par un faux serment ne le décide pas à l’aveu. On lui a ravi Salomé ; il va la reprendre dans son couvent. Sur les sculptures de la porte se lit l’histoire du chevalier Juan de Urrea. Il venait enlever une nonne, et le Seigneur la transforma en un être repoussant dont la vue le convertit à la pénitence Salomé a gardé tout le charme de sa beauté. Mais, dans un accès de jalousie, elle a laissé échapper le nom sous lequel la justice poursuit celui qu’elle aime encore ; elle a entrevu les crimes qu’il lui cachait, et sa raison s’est égarée. Alors, mais alors seulement, le cœur de José León s’ouvre à une nouvelle lumière. Devant la communauté qui arrive en procession derrière l’image de la Vierge, devant le frère de sa victime et les gens armés qui le poursuivent, il fait la confession de ses fautes et se livre sans défense à la justice humaine et à la miséricorde divine.

Dans la préface qu’il a mise en tête de la pièce, M. Galdós avoue en toute simplicité l’importance qu’il lui attribuait et la grandeur de son échec. Il note même les défauts de son œuvre avec une rare impartialité. Oui, le drame a souffert de la lenteur de l’exposition et de la longueur de quelques scènes. Oui, il n’est pas difficile d’y relever des fautes contre la logique, ou, plus simplement, contre la vraisemblance. Comment admettre, par exemple, que Paternoy dispose d’un pouvoir quasi divin sur ses concitoyens, ou qu’il abandonne du premier coup Salomé à José León ? Je sais bien que, malgré quelques élans humains, il n’a