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León, il était Antonio Sanfelices et neveu du marquis de Tarfe. Ruiné sottement et plus sottement compromis dans une affaire de faux, il a eu l’énergie de se refaire une vie nouvelle, et il est à la veille d’une honnête aisance. Grâce à ses leçons, Mariucha, qui n’a hérité d’aucun des préjugés de sa famille, installe dans le vieux palais de Alto Rey un magasin de dentelles et de fleurs artificielles qui ne tarde pas à prospérer. Malheureusement pour elle, Cesáreo épouse les millions d’une veuve américaine. Elle espérait devenir mieux que l’élève de son maître. La fortune du frère change la situation de la sœur. Le charbon est menacé d’une baisse effroyable. Mariucha et León finissent pourtant par unir l’une dans l’autre leurs mains laborieuses, mais c’est après de terribles batailles où, avec le seul appui du curé de la paroisse, ils ont à lutter contre l’orgueil du marquis et l’autorité despotique de Cesáreo devenu grâce à son mariage le « cacique » d’Agramante.

Les principales phases de cette intrigue ne se succèdent pas sans quelque lenteur. L’exposition n’est achevée qu’au second acte, et, si l’on voit bien le pourquoi de plus d’un dialogue uni peu longuement raisonneur, il est fâcheux que des explications nécessaires restent des explications et ne se transforment guère en émotions. Les personnages sont trop exclusivement consacrés et par suite sacrifiés à la thèse qu’ils sont chargés de représenter. León est beaucoup plus un rôle qu’un caractère, et Mariucha ne tient pas sans une inquiétante perfection l’admirable emploi d’être l’image vivante de la vérité vraie. Les idées qu’ils incarnent l’un et l’autre ne sont guère nouvelles sous le soleil, ni même à la lueur des chandelles. Que la loi de la vie moderne soit le travail, c’est le dogme essentiel d’un évangile dont Zola n’a été ni le premier ni le dernier apôtre. Qu’après avoir accompli le devoir du labeur infatigable, l’individu ait le droit de disposer de lui-même, c’est une affirmation qu’on a souvent applaudie sur la scène, surtout quand elle était traduite du norvégien. Il n’en faut pas moins louer Mariucha d’avoir fait entendre ces paroles dans la bouche de personnages qui ne sont peut-être pas des caractères vigoureusement tracés, mais dont les uns personnifient des défauts bien espagnols, et dont les autres ont des aspirations généreuses qu’il serait injuste de confondre avec les revendications haineuses de l’esprit de parti.

La conception philosophique qui se dégage du