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voulu par toute la France catholique[1] ; et il l’a été, parce que, dans une France qui était concordataire depuis plus de trois siècles, on ne concevait pas d’autre moyen de « légaliser, » pour ainsi dire, l’attachement du pays à sa religion, parce que l’on ne pouvait assurer définitivement la paix religieuse et même sociale, réorganiser l’Eglise de France, obtenir d’elle, relativement aux « biens nationaux » par exemple, les sacrifices nécessaires, que par une entente officielle et durable avec le Saint-Siège. C’est ce que Bonaparte avait admirablement compris : il n’était pas homme, en pareille matière, à faire œuvre inutile ; il savait bien que la pacification religieuse ne lui vaudrait, pas moins de popularité que ses victoires mêmes ; il savait bien que c’était là pour lui l’exact équivalent de ce qu’avait été pour Henri IV sa conversion au catholicisme[2]. Négocier le Concordat, c’était, à ses yeux, achever la conquête de la France. Et l’enthousiasme universel qui accueillit cette mesure, lui prouva surabondamment qu’il ne s’était point trompé, et qu’il avait réalisé le vœu le plus cher, le plus profond et le plus ardent de tout un peuple. Il y a des faits qu’il est peut-être bon, surtout à notre époque, de ne pas laisser travestir.

  1. Sur tous ces points, les travaux récemment parus sont unanimes : voir notamment ceux de M. Albert Sorel, le livre de l’abbé Sicard, les Evêques pendant la Révolution, t. III : De l’exil au Concordat, et dans la Revue du 15 juin 1903, l’article de M. Georges Goyau sur les Origines populaires du Concordat.
  2. Sur cette conversion de Henri IV, M. Faguet a écrit dans son livre (p. 177-178) une page admirable de pénétration et de sens historique, à laquelle je renvoie.