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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




26 avril.


Nous traversons des jours agités. Aux désordres de la nature, contre lesquels nous ne pouvons rien, viennent s’ajouter ceux qui sont fomentés par les passions des hommes et encouragés par les défaillances ces gouvernemens. Après le désastre de Courrières qui a mis la France en deuil, l’éruption du Vésuve a profondément affligé l’Italie. À peine était-elle terminée, qu’on apprenait avec épouvante la destruction de San Francisco, commencée par un tremblement de terre et achevée par l’incendie. Il semble qu’une fatalité implacable pèse en ce moment sur le monde. L’homme est impuissant en présence de ces cataclysmes ; il y assiste avec un cœur désolé, et, quand ils sont passés, il se remet à l’œuvre avec un cœur résolu pour en réparer les ruines. Il ne peut d’ailleurs que se soumettre à des forces qui l’écrasent et dont il ignore les causes. Mais pourquoi devient-il pour lui-même une cause d’autres maux, dont il est seul responsable et qui pèsent encore plus lourdement sur ses destinées ?

Il y a quinze jours, les grèves du Nord et du Pas-de-Calais avaient déjà fait naître des préoccupations qui sont devenues depuis de plus en plus vives, et, il faut le dire, la faute en revient surtout à l’imprévoyance et à la faiblesse vraiment coupables du gouvernement. M. Clemenceau, ministre de l’Intérieur, avait fait un beau rêve : il s’était imaginé qu’il n’avait qu’à se présenter aux ouvriers et à leur faire quelque discours pour les amener au respect de la loi, de la liberté du travail et de l’ordre public. A quoi bon prendre d’autres précautions ? Celles-là n’étaient-elles pas suffisantes ? Il semble, en vérité, qu’après avoir souvent répété aux ministres ses prédécesseurs qu’ils étaient des ignorans et des maladroits, il eût fini par le croire. Le voilà ministre à son tour ; on allait voir à l’œuvre un homme qui savait son métier, bien qu’il ne l’eût encore jamais fait ; on allait voir des merveilles. On a vu