Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 33.djvu/438

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aucun de ces phénomènes que les géologues désignent sous le nom d’exaration, si énergiques dans les glaciers qui, en progressant, râpent d’une manière continue le sol sur lequel ils glissent, point d’eaux torrentielles, point de ces vagues violentes qui, au bord de la mer mais hors de la mer, se précipitent avec fureur contre les falaises et les font s’écrouler.

On aurait tort pourtant de s’exagérer l’uniformité de conditions du milieu. Si revêtu d’un appareil qu’un autre Jules Verne serait seul en état de décrire sinon de construire, un voyageur entreprenait de parcourir le sol océanique, il y trouverait d’interminables et monotones plaines dépassant de beaucoup en superficie non seulement les prairies de l’ouest des Etats-Unis ou les pampas plus vastes de l’Amérique du Sud, mais les steppes et les houndras désolées de la Russie et de la Sibérie. Le nord-est du Pacifique entre San Francisco et les Sandwich, région maintenant assez bien connue grâce aux sondages exécutés par les Américains pour la pose du câble télégraphique, présenterait ce caractère au plus haut degré. Nulle végétation, une immense plaine aride, de couleur blanche à peine teintée de gris ou de rose, aucune ondulation sensible du terrain qui serait comme un dernier vestige de pittoresque dans l’obscure et silencieuse désolation des gouffres. Cependant il n’en serait pas de même partout. Dans d’autres endroits, particulièrement au voisinage de certaines côtes escarpées, près de la Norwège, par exemple, il découvrirait des pentes abruptes dépassant souvent l’inclinaison des montagnes subaériennes. Ailleurs, comme aux Açores, il se verrait au milieu d’un paysage bizarre, hérissé de pics, semé d’énormes cavités aux parois nues et arides quoique régulières, criques au fond desquelles il entendrait gronder les feux souterrains, cratères ayant des dimensions égalant presque celles du lac de Genève et qui, parfois, s’entr’ouvrent et se fendent pour livrer passage à des torrens de laves, éruptions volcaniques accompagnées de secousses donnant naissance à d’énormes vagues courant d’un bout à l’autre du globe en parsemant le lit marin de débris, de ponces et de scories, sans qu’à la surface même des eaux le cataclysme se fasse sentir autrement que par un léger tressaillement, un tremblement de mer. Notre voyageur traverserait aussi de vastes plateaux bordés de murailles presque verticales ; il distinguerait, épars, des pics isolés coniques, pareils à de gigantesques pains de sucre et ailleurs, des