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les plus favorables à la multiplication des foraminifères qui, après leur mort, tombent au fond et jonchent le sol de leurs carapaces calcaires. La loi ainsi établie, il en résultera, en l’appliquant aux couches calcaires géologiques, que les plus épaisses parmi celles-ci correspondent aux endroits où, dans l’océan ancien, les conditions thermiques de courans étaient, elles aussi, les plus favorables aux animaux dont les dépouilles calcaires ont formé jadis la couche considérée. On parviendra donc, de déduction en déduction, à découvrir des détails absolument inattendus bien que tout à fait précis, relatifs à un océan crétacé ou jurassique.

L’exemple particulier de la relation qui existe entre la proportion du calcaire et la profondeur n’avait été choisi que pour fixer les idées. On aurait pu appliquer une méthode identique à n’importe quelles autres variables prises deux à deux, en superposant l’une à l’autre deux cartes à la même échelle et respectivement relatives à ces variables figurées chacune par une teinte de couleur différente sur les deux feuilles et d’intensités variables sur la même feuille. Les résultats auraient été aussi nets et probans ; la loi aurait « sauté aux yeux. » La méthode graphique par les cartes mène infailliblement à une conclusion.

L’étude de la distribution du calcaire sur le fond aura aussi montré la liaison étroite qui existe entre l’océanographie du présent et celle du passé qui est la géologie. La majorité des roches continentales sont d’anciens fonds de mer exondés. Or les sols marins d’aujourd’hui et ceux des anciens âges géologiques se sont créés sous l’influence de conditions semblables. Connaître les conditions des uns c’est connaître les conditions des autres, et la grandeur de l’océanographie consiste en ce que non seulement les applications sont d’une utilité immédiate pour la navigation, la pêche et la télégraphie sous-marine, mais, au point de vue philosophique, en ce que l’étude des lois de l’océan se rapporte à la suite entière des temps, aux mers, dont les flots portent en ce moment nos vaisseaux, aussi bien qu’aux mers disparues depuis des milliers d’années, datant peut-être du jour où la croûte d’eau du globe, en se refroidissant, a permis à la vapeur d’eau que la haute température alors régnante maintenait en suspension au sein de la lourde atmosphère des premiers âges, de se condenser en pluie et de se réunir dans la dépression qui fut le bassin du premier océan. Et si l’on craint