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différait guère du régime actuel du Maroc : on trouve, dans l’un et l’autre cas, les tribus makhzen et les tribus indépendantes, les mahallas ou colonnes militaires chargées du recouvrement des taxes et du maintien de l’autorité du souverain.

Les revenus du dey, depuis l’affaiblissement ou la disparition de la course, étaient des plus modiques, par suite de l’improductivité du pays et de l’impuissance de l’organisme gouvernemental, non faute de rapacité. On les estime à 3 millions de francs environ. Le dey, fréquemment à court d’argent, empruntait aux juifs et tour à tour reniait et accroissait ses dettes. Les quelques très rares travaux publics, maintien des ports pour la course et entretien du relèvement des fortifications, se faisaient par corvée.

Le commerce, importation et exportation réunies, s’évaluait à 7 ou 8 millions de francs. Quelques rares Européens, en dehors des captifs, des renégats ou de leurs descendans, se rencontraient dans quelques villes de la côte, outre Alger : la Calle, Bône, Philippeville, Collo, Djijelli, Bougie, Mostaganem et Oran, la plupart Italiens : nul ne s’aventurait à l’intérieur. La grande industrie nationale du pays, la course ou piraterie, avait dû céder devant le développement des flottes européennes : le grand commerce national terrestre, celui des esclaves, persistait encore, atteint, cependant, lui-même par la difficulté d’exportation.

Telle était la situation de l’Algérie quand les Français y descendirent en juin 1830. L’organisme gouvernemental fut immédiatement brisé : le dey, les beys, sauf celui de Constantine qui ne tomba qu’en 1837, la milice turque furent expulsés et quittèrent le pays. Il ne resta aucun élément d’administration. On s’efforça, avec beaucoup de tâtonnemens et en essuyant des séries de mécomptes, d’en refaire une. Ce n’est pas le lieu de narrer ces lents et laborieux débuts de notre établissement en Algérie : les phases successives de la conquête ont été brillamment décrites ici même[1]. Cette conquête ne fut terminée qu’en décembre 1847, par la reddition d’Abd-el-Kader, ou plutôt en 1857 par la soumission de la Kabylie. Depuis lors, aucune résistance matérielle redoutable ne se fit plus sentir : les dernières insurrections sont celles de 1871 dans les provinces de Constantine et d’Alger, à la suite de nos défaites

  1. Voyez les articles de Camille Roussel dans la Revue, de janvier 1885 à décembre 1888.