rapporter… Trente-cinq ans avant le Prince, c’est, — y compris l’axiome final, — toute la matière d’un chapitre du Prince.
Mais ce chapitre n’est pas le seul, et Girolamo Riario, si médiocre et pauvre sire qu’il soit en somme, pourrait fournir de la matière pour plusieurs. Préoccupé au degré où il l’est, c’est-à-dire obsédé de l’idée de s’assurer définitivement Imola, envers et contre les Médicis qu’il sent hostiles à son établissement en Romagne, il recourt aux grands moyens, à ceux que, dans l’avenir, on qualifiera couramment de machiavéliques. Il imagine toute une histoire, échafaude toute une intrigue. Girolamo expédie à Florence un prêtre d’Imola, stylé et soldé par lui, avec mission de feindre contre lui-même, Girolamo, une haine violente et de se déclarer prêt à l’empoisonner, si seulement Laurent de Médicis l’assiste et lui procure le poison. Puis, dès qu’il le tiendrait, Girolamo se présenterait au Pape en consistoire, exhiberait la fiole, affirmerait que Laurent a voulu le faire mourir, ce que le prêtre jurerait, au prix de la charge de custode d’une des portes d’Imola. La combinaison s’effondra, parce que les Florentins, qui, avec les Vénitiens, étaient bien les hommes du monde le plus sur leurs gardes, toujours aux aguets, toujours aux écoutes, l’éventèrent à temps, et parce qu’à peine arrivé à Florence, ce prêtre vraiment trop complaisant fut arrêté, mis à la torture, et parla plus qu’il n’eût convenu. — Mais le moyen lui-même ne fut pas usé, et n’est-ce point comme un retour des chosas d’ici-bas de voir qu’Alexandre VI s’en servira, à son heure, ou plutôt à l’heure de son fils César, contre la propre femme de Girolamo, Caterina Sforza, et tout justement pour expliquer, par une accusation de tentative d’empoisonnement, l’usurpation sur elle de Forli et de cette Imola que les Riari, — au moins Girolamo, car Catherine était alors très jeune, elle n’avait que seize ans, — n’avaient pas craint d’acheter par une accusation, plus que fausse et calomnieuse, de tentative d’empoisonnement ?
Girolamo pourtant ne se lasse pas : si le poison le trahit, que le poignard lui vienne en aide : à lui, la mutation de l’État de Florence, sans la mort de Lorenzo, ne suffit pas, comme au pape Sixte IV, parce qu’il n’est pas le Pape et qu’il veut être prince temporel, assis en sa principauté. Mais ou il est maladroit ou il y va de malchance ; ou il n’est pas « connaisseur de l’occasion » ou il n’est pas « favori de la Fortune. » Un second coup laborieusement monté est paré comme le premier, échoue comme lui. Il