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immergés. Nivellement des montagnes, régularisation des cours d’eau, remplissage des océans, tous ces faits qui constituent la partie essentielle de la géographie physique, la « morphologie, » tous ces faits sont rigoureusement localisés sur ce que nous pourrions appeler la croûte de la croûte terrestre. C’est enfin sur la partie superficielle de notre globe et dans la zone inférieure de l’atmosphère que sont concentrés tous les phénomènes de la vie végétale, animale et humaine. Même les oiseaux qui volent le plus haut viennent toucher terre pour se reposer ou pour se nourrir ; les poissons et les invertébrés des mers les plus profondes vivent encore, relativement aux dimensions terrestres, à une très faible distance de la surface. Quant aux êtres humains, ayant par nécessité les deux pieds posés sur le sol et puisant dans l’atmosphère l’oxygène nécessaire à leur respiration, ils expriment au suprême degré cette localisation impérieuse de la vie en deux minces tranches concentriques, — tranche de roche ou d’eau et tranche d’atmosphère, — portions de l’univers extrêmement réduites par rapport à la terre, plus réduites encore par rapport aux espaces connus, mais portions de l’univers entre toutes privilégiées. Là, le soleil concentre son principal effort ; là, les agens atmosphériques opèrent leur intense travail ; là enfin la vie se développe, variée, et elle se multiplie, infatigable.

Or ce n’est pas sans de multiples relations de cause à effet qu’en un même « lieu » se superposent et se mêlent tous ces faits essentiels. Sans vouloir essayer d’expliquer ici le pourquoi de ces relations, nous tenons à signaler dès ces premières lignes combien est nettement circonscrit le théâtre d’observation des géographes. Là où se massent tous ces phénomènes, et là uniquement, est le domaine de la géographie.

Le plus grand nombre de ces faits échappe à toute influence humaine. Que l’homme existe ou qu’il n’existe pas, l’eau des nappes liquides s’évaporera toujours sous l’action de la chaleur solaire, et l’air chargé de vapeur, dès qu’il sera porté et poussé contre une chaîne de montagnes, sera contraint de s’élever, de se dilater et de se refroidir, déterminant des précipitations. Que l’homme existe ou qu’il n’existe pas, les tourbillons des eaux courantes sauront toujours creuser des gorges ou démanteler les seuils des cataractes, et les parcelles solides arrachées aux montagnes par les eaux ruisselantes et torrentielles tendront toujours, dès que la force