Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 33.djvu/571

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

que l’activité humaine soit sans cesse mêlée à cette analyse et à cette explication. Une géographie humaine qui exclurait les hommes, se contredirait elle-même. Si la géographie humaine ne doit en vérité jamais dériver de je ne sais quelles considérations générales ou théoriques pour aller découvrir sur la surface de la planète des faits plus ou moins épars de confirmation, si elle doit toujours se borner à prendre comme points de départ les réalités superficielles, de ces réalités elle remonte du moins jusqu’à l’homme d’une manière aussi naturelle que nécessaire. — Il est aisé de le montrer par quelques brefs exemples.

Sur le pourtour de la Méditerranée et dans ces contrées qui constituent le monde méditerranéen, en Asie Mineure, en Grèce, en Italie, en Provence, en Espagne, les maisons ne sont guère isolées et disséminées ; elles sont groupées en petits villages, en petites villes, et souvent autour d’un rocher plus ou moins âpre que domine une acropole ; le village lui-même est parfois perché sur l’éminence rocheuse, qui apparaît ainsi de loin comme crénelée d’habitations. Voilà le fait à observer d’abord, en ses multiples et très différentes manifestations. Supposons cette étude achevée, et cherchons ensuite à rattacher ce fait à l’activité humaine : quel en est le pourquoi ? et quelles en sont les conséquences humaines ? Or, pour répondre, nous serons obligés non seulement d’invoquer des faits historiques, économiques ou sociaux, mais de faire appel surtout à des faits psychologiques. Si les hommes du monde méditerranéen se sont groupés en petites cités bien situées pour la défense, c’est que les habitans des territoires cultivés étaient pris pour ainsi dire entre les nomades et pillards de l’intérieur, — pasteurs de moutons de l’arrière-pays montagneux et sec, bergers des grands troupeaux transhumans, — et les nomades et pillards de la mer, pirates de profession ; de là cette tendance psychologique collective à choisir pour l’installation permanente des points forts, des pitons, qui servissent tout à la fois de bons postes d’observation et de bons postes de défense ; c’est par l’intermédiaire de cet élément psychologique, conscient chez quelques-uns, imitatif, traditionnel, très vague chez beaucoup d’autres, qu’il faut aborder l’explication de ce type de vieille agglomération méditerranéenne. Pour satisfaire aux exigences quelquefois contradictoires de ces besoins premiers que nous avons commencé par noter et rappeler, l’homme obéit consciemment ou non, à un instinct, à une pensée,