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taisez-vous !… (Très bien ! très bien ! ) Vous êtes convaincus que j’ai démérité de la démocratie. J’ai la conviction que vos doctrines et vos pratiques perdent la démocratie et la liberté. (Interruption.) Oui, vous, qui m’interrompez, vous êtes les ennemis les plus redoutables du peuple ; vous le perdez… (Bruyans applaudissemens mêles de violentes protestations.) Assurément, s’il m’était resté dans l’esprit le moindre doute sur la rectitude, sur l’efficacité de la conduite que j’ai suivie, ce doute serait dissipé par la violence déployée pour étouffer ma parole sous des clameurs préméditées. (Applaudissemens, protestations.) — Il est temps, Messieurs, que l’assemblée se décide à garder le silence. Je ne vous demande pas de la sympathie, j’exige de la tolérance. Je réclame la possibilité matérielle de vous expliquer mes principes. » (Applaudissemens.) « Si vous persistez à étouffer ma voix, vous accorderez à mon éloquence son plus grand triomphe, car vous en aurez eu peur. » (Parlez ! parlez ! )

Et je repris, au milieu d’un complet silence : « Messieurs, la question qui s’agite aujourd’hui devant le corps électoral est d’une extrême gravité, il est indispensable de la préciser. — Je ne suppose pas qu’il y ait ici une animosité personnelle. C’est votre conviction qui vous pousse jusqu’à l’impatience contre les opinions que vous ne partagez pas. En regrettant qu’elle soit aussi déréglée, je la respecte. Mais moi aussi, j’ai une conviction ; elle est le résultat de tout le travail qu’un homme peut consacrer à la recherche de la vérité, et je vous jure devant Dieu, qui nous entend… (Interruptions. — Une voix : Qu’est-ce que c’est que ça, Dieu ? ) «… Oui, devant Dieu (Applaudissemens), que si je me suis trompé, c’est après avoir tenté tous les efforts possibles à une intelligence humaine pour éviter l’erreur. Écoutez en hommes de cœur et en hommes d’intelligence les motifs qui m’ont déterminé. (Parlez ! parlez ! ) Lorsque je promène mes regards sur cette réunion, je ne puis retenir sur mes lèvres une parole de reconnaissance pour tous ceux qui se sont rendus dans cette enceinte, malgré les difficultés de l’accès… (Applaudissemens.) Je vous remercie tous également : Vous, mes amis, votre présence est pour moi une force et une joie ; vous, mes adversaires, votre présence est pour moi un espoir ; car vous serez frappés par l’évidence des idées que je vais exposer. » — Une voix : Jamais ! (On rit.) — Une autre voix : Jamais ! c’est le mot de Rouher ! — Quelle est la question solennelle que le peuple va être appelé à résoudre ? La question de liberté. N’équivoquons pas. Je n’ai