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Humbles et pauvres étaient ces « subcurés » ou vicaires perpétuels, à qui les curés primitifs confiaient la besogne pastorale. Cet abus dura tranquillement près de trois siècles : tantôt les « curés primitifs » étaient des couvens du voisinage à qui appartenaient la dîme et les biens séculiers. Mais ces couvens n’en voyaient pas un centime ; mis eux-mêmes au pain sec par un personnage lointain, qui n’était ni régulier ni séculier, et n’avait de clérical que le revenu.

Tantôt les bénéficiers de la cure étaient des chanoines ou autres clercs du chef-lieu, sans aucun goût pour la campagne. Un évêque plaidait-il contre eux en vue de les obliger à quitter les cures qu’ils ne pouvaient desservir, — longs procès qu’il fallait bien du courage pour entamer et mener à bonne fin, — les curés obtenaient à Rome des bulles qui les dispensaient de résider ; l’évêque en appelait de ces bulles au parlement « comme d’abus ; » les curés aussi en appelaient comme d’abus contre les ordres de leur évêque. Toujours les tribunaux donnaient raison aux prélats, les curés perdaient leurs procès toujours, mais ne résidaient pas davantage. D’ailleurs comment l’évêque fulminerait-il ? Lorsqu’il habite lui-même à Paris, comment se montrerait-il si sévère ? L’évêque de Belley, du haut de la chaire, ne mâchait pas les vérités à ses confrères : « Messeigneurs les prélats qui ne résidez pas, que peut-on dire de vous ? »

« C’est chose étrange, remarquait l’avocat-général Talon, que ceux qui sont établis pour avoir soin des âmes fassent consister le seul exercice de leurs charges en la perception des fruits, et non en l’administration des sacremens, qu’ils commettent d’ordinaire à l’industrie d’un prêtre mercenaire. Par cette corruption, les pauvres gens dans la campagne, se trouvent destitués de tout secours et vivent dans l’ignorance des choses nécessaires à leur salut. » Les populations rurales s’estimaient heureuses d’obtenir des non-résidens l’entretien d’un de ces a prêtres mercenaires » dont parle l’avocat-général. Les instances judiciaires, introduites à cet effet par les municipalités, étaient fréquentes. Parfois des procès-verbaux étaient dressés, à la requête des habitans, « de l’abandon de tout service régulier dans leur église. » Certains prêtres devaient dire deux messes « parce qu’ils avaient plusieurs paroisses à desservir. » Cependant tous ces fidèles payaient exactement la dîme !

Ces « vicaires perpétuels » n’avaient pas toujours le