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cela dépendait d’une décision qui devait être prise en dehors d’eux. Il y avait là une cause de faiblesse. Elle s’ajoutait à celles qui se manifestent toujours chez nous au détriment d’un parti qui mêle les questions religieuses aux questions politiques, même lorsqu’il le fait contre son gré, même lorsqu’il ne le fait qu’en apparence. L’échec des candidats de l’Action libérale est dû en grande partie à cette confusion. On avait cru que la protestation du sentiment religieux serait un facteur important dans les élections du 6 et du 20 mai : il ne s’est malheureusement pas exercé dans le sens qu’on avait espéré,

Quant aux nationalistes, leur parti a souffert encore davantage. Ses succès d’autrefois tenaient à un état violent de l’opinion, mais à un état passager. Pour le fixer, il aurait fallu que les nationalistes eussent un programme défini, et ils ne pouvaient pas en avoir : ils étaient trop divers de principes et de tendances. Le mépris dans lequel ils tenaient le parlementarisme leur avait interdit de jouer à la Chambre un autre rôle que celui d’agitateurs : pour que le parlementarisme restât stérile, ils devaient l’être eux-mêmes. Au surplus, ce n’est pas sur la Chambre qu’ils comptaient, mais sur le pays, et le pays leur a fait défaut. Ils ont été cruellement éprouvés. Le succès de M. Maurice Barrès, dans le Ier arrondissement de Paris, est resté une exception. M. Guyot de Villeneuve, qui avait rendu un si grand service à la morale publique en dénonçant le honteux système des fiches, a succombé à Neuilly-sur-Seine. Les cris de joie qu’ont poussés à ce sujet les radicaux-socialistes et les socialistes ont été le bruyant témoignage de la peur que M. Guyot de Villeneuve leur avait faite. Le scandale provoqué par ses révélations discréditait le régime. Mais le suffrage universel s’y est montré peu sensible, et la campagne de M. Guyot de Villeneuve, qui devait faire élire de si nombreux candidats de l’opposition, ne l’a pas fait réélire lui-même : nous en éprouvons un vif regret. La défaite des nationalistes a été complétée par l’échec de M. Paul Deroulède, le plus chevaleresque et le plus sympathique d’entre eux. M. Deroulède venait de passer plusieurs années en exil : il n’avait donc eu aucune part directe aux fautes ou aux erreurs de son parti, et il en avait même désavoué quelques-unes. Son patriotisme s’était manifesté quelquefois par des jugemens éclairés et sensés sur notre politique extérieure. En dépit de tout cela, M. Deroulède a été battu : il a été emporté dans le désastre général du nationalisme. Quant à la droite proprement dite, elle revient, elle, aussi très atteinte, et il était difficile, qu’il en fût autrement. À chaque élection, le suffrage universel procède à une