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est remis à la générosité de l’Empereur, et nous ne disons pas qu’il ait eu tort : seulement il aurait mieux valu que cette générosité s’exerçât en toute spontanéité.

L’adresse de la Douma comprend beaucoup de choses ! Il serait plus court de dire ce qui n’y est pas que ce qui y est. On connaît notre vieux proverbe : « Qui trop embrasse mal étreint. » Nous ne nous en sommes pas toujours inspirés nous-mêmes, mais, toutes les fois que nous ne l’avons pas fait, nous nous en sommes mal trouvés. Aussi commençons-nous à être désabusés, dans l’Europe occidentale, de ces programmes qui touchent à tout, proposés à des assemblées qui ne résolvent rien. L’expérience nous a appris à nous tenir pour heureux lorsqu’une réforme a été faite dans le cours d’une législature, si toutefois elle est bonne. L’adresse traite de omni re scibili : c’est pourquoi elle a soulevé des critiques. Il faudrait un quart de siècle à une assemblée pour achever tout ce que la Douma semble vouloir entreprendre ; probablement même ce ne serait pas assez ; et, bien que sa durée n’ait pas été fixée, l’assemblée actuelle n’a sans doute pas la prétention de vivre aussi longtemps. Gambetta recommandait de « sérier » les questions, et de ne passer à la seconde qu’après avoir résolu la première. Toutefois, il serait injuste déjuger la Douma d’après les règles habituelles, et de lui témoigner dès son premier pas, fût-ce un faux pas, une sévérité excessive. Sa situation n’est pas celle d’une assemblée ordinaire au début d’une législature ordinaire. La Russie attend beaucoup d’elle ; elle en attend plus qu’une seule assemblée ne peut faire ; mais ce que la Douma ne peut pas faire elle-même, elle peut du moins l’indiquer en laissant à ses successeurs le soin de le terminer. Le pays souffre, de tant d’abus, et depuis si longtemps, qu’il aurait accusé ses mandataires de n’avoir pas rempli leur mandat s’ils n’avaient pas signalé hardiment les principaux de ces abus et n’y avaient pas proposé quelques remèdes. Lorsqu’on songe au formidable arriéré de revendications et de griefs légitimes dont la Douma est l’interprète, on s’étonne moins qu’elle ait voulu tout dire, comme une personne qui a beaucoup de choses sur le cœur, et qui, après les avoir retenues longtemps au risque d’étouffer, prend sa revanche dans une explosion où tout sort en même temps. Le procédé est au moins excusable, à la condition cependant de ne pas y persévérer. Il faut maintenant se borner et choisir, car si on peut tout dire on ne peut pas tout faire à la fois. Nous nous garderons d’analyser l’adresse de la Douma. Ce n’est pas sans regret, que nous y relevons, par exemple, une attaque trop directe contre le Conseil de l’Empire. Il est possible que cette assemblée ne puisse pas et ne doive pas