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pas du succès final de la révolution. Le 22 juin, deux régimens d’artillerie de Madrid, ayant à leur tête le général Piérar, recommençaient une révolte. O’Donnell, secondé par Serrano et Concha, généraux unionistes, marche sur eux, les écrase avant la fin de la journée[1]. Du 22 juin au 6 juillet, il ordonna soixante-dix exécutions. Prim, qui attendait le succès à Hendaye, s’enfuit encore à Paris d’où, expulsé, il gagne la Belgique, et, chassé encore, Londres.

Alors s’opéra une dernière transformation du parti progressiste. Du retraimiento, il avait été au pronunciamiento contre les ministres ; il en vint au pronunciamiento contre la Reine et la dynastie. Cette dernière évolution fut déterminée par Olozaga. Depuis le jour où il était tombé du pouvoir sur l’accusation de la Reine d’avoir employé la violence pour lui faire signer un décret, il lui avait voué une haine sans merci, hostilité redoutable, car Olozaga était de toutes façons un homme de premier ordre. Dans sa personne ample et robuste, dans son visage majestueux, apparaissait d’abord la force. En y regardant de près, on découvrait une finesse pénétrante, au moins égale, et ce double caractère se retrouvait dans son éloquence très vibrante et très habile. Ce n’était pas la rhétorique poétique de Castelar, qui enchantait et ne laissait rien après elle, c’était une éloquence pratique, d’un effet irrésistible, qui amenait la conviction et déterminait des actes. D’une vaste instruction, jurisconsulte versé dans toutes les parties de l’art politique, il savait conduire et manier un parti, tirer profit des circonstances, préférant agir par persuasion, mais toujours prêt aussi à s’imposer par un acte d’autorité. C’était une puissance.


II

Qui aurait pu prévoir que dans révolution qui faisait des progressistes un parti purement révolutionnaire, ils allaient immédiatement gagner pour allié cet O’Donnell qui venait de les fusiller ? Il fallut, pour leur amener ce concours inattendu, une des plus

  1. L’armée avait 80 tués et 400 blessés ; les insurgés 700 hors de combat et 200 prisonniers.