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avantageux qu’à lui-même[1]. » Fixé en Espagne par son mariage avec l’infante Luisa, Montpensier renouvelait la tradition de son aïeul. Dès 1862, il faisait proposer son appui aux progressistes. Ceux-ci, ne croyant pas encore venue l’heure des soulèvemens, ne l’acceptèrent point[2]. Plus tard, lorsqu’ils se jetèrent dans les levées d’armes, le Duc dépêcha un de ses amis auprès de Prim et renouvela ses offres de concours ; mais son messager ne réussit pas à inspirer confiance et l’on ne s’entendit pas[3]. N’ayant pu capter les chefs, il s’adressa aux soldats, et s’il est établi que ni Olozaga, ni Prim, ni Aguirre, ni Sagasta, ni Rios, ni Ruiz Zorilla ne reçurent un seul de ses réaux, il n’est pas moins certain qu’il répandit de l’argent parmi d’obscurs émigrés et qu’il employa des sommes assez considérables à acheter le concours des journaux étrangers et espagnols. Il avait été mieux accueilli par les unionistes : ils avaient hésité à lier partie avec lui tant que vécut O’Donnell, qui eût préféré le fils d’Isabelle, Alphonse, avec une régence ; O’Donnell disparu, leurs chefs le maréchal Serrano et l’amiral Topete firent du Duc de Montpensier leur candidat à la royauté révolutionnaire.

Ils essayèrent de gagner Prim. Ils lui firent représenter que s’il se joignait à eux, la révolution serait consommée en un jour au cri de : « A bas Isabelle ! » immédiatement suivi de : « Vive le roi Philippe ! » Et cette révolution espagnole n’eût été que le recommencement de celle de 1688 en Angleterre, par Guillaume d’Orange contre son beau-père, et de celle de 1830 en France par Louis-Philippe contre son neveu. Si la seconde avait mal fini, la première avait réussi ; peut-être en serait-il de même en Espagne. Prim ne consentit pas encore à promettre son concours : il voulait garder sa liberté et demeurer maître de profiter de l’imprévu des événemens. Qui sait si, sous un titre quelconque, lui-même ne serait pas le sauveur que l’Espagne attendait ? Cependant, si les unionistes avaient besoin de son concours, il ne pouvait pas se passer du leur ; d’autre part il ne pouvait pas non plus s’aliéner les républicains, en prenant parti ouvertement pour un candidat monarchiste quelconque. Il se tira d’embarras vis-à-vis des uns et des

  1. Saint-Simon, Mémoires, t. VII, ch. XVIII.
  2. Ruiz Zorilla, A sus amigos y a sus adversarios, Londres 1877, p. 4 et 22.
  3. Ibid., p. 23.