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d’une main ferme les rênes du gouvernement. Le poison versé dans les jeunes esprits, par une fausse culture païenne, était la seule cause des malheurs publics. Le salut de l’Etat exigeait le retour aux traditions nationales et religieuses. Ainsi s’exprimait par la bouche d’Alexandre III, son ancien précepteur Pobedonostsef. La crainte de la révolution n’étouffait pas seulement toute velléité de réforme nouvelle : l’œuvre entière d’Alexandre II allait être entravée et défigurée. Les terroristes méritaient bien de la réaction.

Les six assassins d’Alexandre II avaient été condamnés à mort : cinq furent exécutés. Jessa Helfmann, échappa au bourreau parce qu’elle était enceinte. Sophie Perovskaïa écrivait à sa mère la veille de l’exécution : « Mon sort ne me trouble pas le moins du monde et j’irai très tranquille au supplice, car je l’attends depuis longtemps et je savais qu’il viendrait tôt ou tard. » Lorsqu’elle approcha de la potence, une légère rougeur colorait ses joues, comme celle de la fiancée qui s’avance vers l’autel.

Cependant le Comité exécutif n’abandonnait pas aussitôt la partie. Le baron Stromberg tentait d’organiser un soulèvement militaire parmi les soldats de Pétersbourg et les marins de Cronstadt. Des complices trahirent. Les prisons se peuplaient. Les plus compromis s’enfuyaient à l’étranger, d’où ils envoyaient des émissaires réchauffer le zèle. On recommandait une propagande plus énergique : il s’agissait de généraliser le terrorisme, d’égorger ou de faire sauter patrons et propriétaires. Les imprimeries secrètes fonctionnaient toujours ; on fabriquait des bombes en Russie et à Zurich. Mais Léo Deutsch écrit dans ses mémoires que le scepticisme et le découragement gagnaient. En 1882, Maslof, dans une lettre à un ami, se plaint du Comité central, plus despote que le Tsar, et qui se sert d’eux comme de chair à canon. Tickhomirof, qui passera plus tard à la réaction, est d’avis qu’il faut non pas tenter l’impossible mais attendre des temps meilleurs. L’arrestation de Lopatine, en 1884, faisait découvrir les adresses des membres du parti. Il y eut encore, en 1887, quelques gestes terroristes, suivis de pendaisons ; ils ne se rattachent plus aux idées de la Narodnaïa Volia. Le recrutement de la secte s’était arrêté. Le gouvernement restreignait le nombre des déclassés, en limitant le nombre des boursiers dans les gymnases.

A partir de 1881 commence dans le mouvement