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monte entre eux pour rejoindre le chignon, casqué d’or, lardé de fins boutons de jasmin. Et cette masse de cheveux, d’un noir à reflets bleus, se continue en une queue tressée que terminent des floches de soie noire, descendant plus bas que les reins. Un modillon d’or ciselé timbre le front. L’ovale pur du visage brun est encadré par les massifs pendans d’oreilles, les plaques battantes des retombées, du bandeau, les piquets de jasmin ; et il ne montre guère que les yeux, tant est grande la profusion des boutons de nez, des houppes d’or qui ombragent les tempes. Le cou est cerclé de colliers plus hauts et plus épais que des carcans. Les bracelets commencent d’enserrer les bras jusqu’à partir des aisselles, cachées ainsi que la gorge sous un étroit corset de tabis écarlate. De ces bracelets, les premiers sont coudés en chevron à la façon des bagues que portent les bayadères ; les autres, de section ronde, forment le cercle parfait ou se contournent en spirale ainsi que les torques antiques. Les mains, couvertes par des fermaux circulaires, vastes rosaces d’or où se relèvent en bosse les turquoises, semblent des gantelets continuant la défense des bras armés d’anneaux sur toute leur longueur. Aux doigts sont passées tant de bagues que les phalanges pourraient à peine se ployer. Les pieds nus en portent aussi aux orteils, et les chevilles se perdent sous les anneaux pesans où se balancent des globules d’or.

L’épousée, les mains ouvertes reposant sur ses genoux, demeure figée dans son attitude d’idole. Elle paraît sommeiller doucement. Seule, sa gorge superbe, qui palpite au rythme de son souffle, indique qu’elle vit. Ses paupières sont baissées, et ses joues ombrées par ses cils plus crochus que les hameçons des pêcheurs. C’est une femme très belle, déjà mûre pour ces pays de l’Inde, car elle a atteint ses vingt ans. La voici qui se lève et s’avance. Ses formes sont pleines et harmonieusement balancées, sa démarche souple dit les heureuses proportions de son corps. De moyenne prestance, grande pourtant parmi ses compagnes, elle est dépassée du front par son époux, ce qui est la dernière proportion admise. L’usage indien défend à la femme de dépasser son mari par la taille. Dans la vie, elle doit, au figuré comme au vrai, marcher derrière lui, pieds nus, et couvrir, l’empreinte de ses pas.

Et c’est à quoi la mariée s’exerce dans les diverses phases de la cérémonie qui se déroule sous nos yeux. Elle va, les yeux mi-clos, les bras collés au corps, les mains ramenées en avant, les paumes