Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 33.djvu/893

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tenir ses hommes avec un soin particulier d’ordre, de discipline et d’entraînement ; colonel en 1757, il avait été promu brigadier pour servir en Amérique sous le général Amherst, que Pitt avait rappelé d’Allemagne pour lui confier l’expédition contre Louis-bourg. De retour en Angleterre après cette campagne, il rapportait l’impression que le Canada n’était pas difficile à enlever. La prise de Louisbourg, disait-il, est un coup très sensible à la marine française, qui n’a plus de point d’appui dans le golfe du Saint-Laurent ; et cependant Wolfe ajoute que le succès des armes anglaises devant cette place est, à son opinion, inattendu et immérité. « Nous avons perdu beaucoup de temps pendant le siège, après le siège surtout, et d’un bout à l’autre de cette campagne n’avons accumulé que des fautes. » (Lettre du 1er décembre 1758.) Puis Wolfe avait dû, sur l’ordre d’Amherst, détruire les filets et brûler les cabanes des pêcheurs français : « Nous avons fait beaucoup de ruines, écrivait-il à ce général ; nous avons répandu sur tous les bords du golfe la terreur des armes de Sa Majesté, mais nous n’avons rien ajouté à leur gloire. » Aussi, plutôt que de retourner en Amérique, était-il disposé à servir en Allemagne dans la cavalerie, bien qu’il n’eût rang que de colonel en Europe.

Le choix de Wolfe pour diriger, l’armée suivante, l’armée envoyée contre Québec est encore dû à Pitt. Le ministre avait reçu des rapports où était irréfutablement démontrée la faiblesse du Canada ; dans sa correspondance, et certainement aussi dans des conversations dont Pitt dut entendre l’écho, Wolfe assurait qu’il eût été facile d’emporter Québec, si l’on avait fait diligence après la chute de Louisbourg. Les instructions du roi Georges datées du 5 février 1759 sont adressées « à notre fidèle et bien-aimé James Wolfe, brigadier général de nos forces dans le Nord Amérique, major-général et commandant en chef d’un corps de nos forces de terre, destiné à une expédition contre Québec par la voie du fleuve Saint-Laurent ; » elles spécifient la nomination du contre-amiral Saunders « comme commandant en chef d’une escadre de nos navires pour agir de concert avec lesdites forces de terre ; » elles ajoutent qu’en principe, Wolfe est placé sous les ordres du brigadier général Amherst, commandant en chef des forces anglaises dans l’Amérique du Nord, mais qu’il reste libre, si les circonstances l’exigent, de disposer de ses troupes comme il l’entendra. Louisbourg est désigné comme point de concentration