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précieuses conquêtes de la science moderne. » Combien plus aisément nous consentirions, par exemple, à approuver un emploi méthodique de l’hypnose dans l’éducation des enfans, ou dans le traitement des maladies nerveuses, si nous ne gardions pas une répugnance irréfléchie contre des forces naturelles que nous nous sommes accoutumés à considérer comme toutes voisines de celles dont prétendent se servir les spirites pour faire parler des tables, ou pour évoquer les fantômes des morts !

En réalité, l’hypnotisme et le spiritisme sont deux ordres de faits aussi différens l’un de l’autre que possible, séparés l’un de l’autre par un « abîme ; » et M. Lapponi, après les avoir distingués, a eu bien soin de les étudier séparément, en deux séries de chapitres où il a examiné, tour à tour, leur histoire, leurs manifestations extérieures, le problème de leurs origines, et enfin l’utilité ou les dangers qu’ils peuvent présenter.


Je ne saurais songer, malheureusement, à résumer ici les quatre chapitres qu’il a consacrés à l’hypnotisme. Ce sont des modèles d’exposition ingénieuse et précise : mais on entend bien que, sur un terrain aussi exploré que celui-là, M. Lapponi lui-même a dû réduire son rôle à résumer les travaux de ses devanciers, tout au moins en ce qui concerne la partie proprement « scientifique » de son sujet. Et cependant, même dans ces chapitres, chaque page aurait à nous offrir des aperçus nouveaux. Ainsi nous savions déjà la part qu’avait prise Mesmer, avec son « magnétisme animal, » à la restauration des pratiques de l’hypnotisme, familières jadis aux Egyptiens, et décrites, notamment, dans un papyrus découvert et traduit en 1860 : mais M. Lapponi nous apprend que, au début de cette science comme de toutes les autres, dans les temps modernes, quelques-unes des découvertes les plus importantes ont ou pour auteurs des prêtres catholiques. Dès la Renaissance, le jésuite Frédéric Spree a expressément déclaré que la plupart des personnes condamnées pour sorcellerie étaient victimes de suggestions subies à leur insu. Plus tard, ce sont les cures surprenantes obtenues par un autre jésuite, le P. Hell, au moyen de l’aimant, qui ont inspiré à Mesmer l’idée de son magnétisme animal ; et c’est encore un jésuite, le P. Kircher, qui a donné la véritable formule scientifique de l’hypnotisme, en affirmant que, sans aucune intervention de procédés magiques, certains hommes pouvaient exercer une influence à peu près irrésistible, une influence toute physique, et absolument « hypnotique, » non seulement sur d’autres hommes, mais sur des animaux, des oiseaux de basse-cour.

Dans sa description des phénomènes hypnotiques, M. Lapponi s’est