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moral. Il est funeste pour la santé physique, parce qu’il risque de réveiller les névroses latentes ; parce qu’il risque d’épuiser l’activité cérébro-spinale ; parce qu’il accoutume de plus en plus l’organisme à l’état hypnotique. Il est funeste pour le bien-être moral parce que, peu à peu, il déforme ou obscurcit le sens moral ; parce qu’il expose à admettre, comme des vérités et des devoirs, les principes les plus faux et les pratiques les plus fâcheuses ; et parce qu’il excite étrangement l’amour du merveilleux, ouvrant ainsi la voie, insensiblement, au spiritisme. »

Après quoi, M. Lapponi s’empresse d’ajouter que ce même hypnotisme, dans certains cas particuliers, peut rendre les plus grands services, aussi bien à l’individu qu’à la société. Il est pareil à ces poisons qui, bien maniés par un médecin habile et consciencieux, deviennent des remèdes et d’autant plus bienfaisans qu’ils sont plus actifs. La condition essentielle, pour que l’hypnotisme puisse jouer ce rôle de remède, c’est que le médecin qui recourt à lui soit suffisamment habile, et ne l’emploie jamais que par charité chrétienne, par désir passionné de le faire servir au bien du malade. Ou plutôt encore M. Lapponi compare l’hypnotisme à ces grandes opérations chirurgicales qui seraient une source infinie de maux, si l’on permettait au premier venu de les pratiquer, ou si les chirurgiens qui les pratiquent avaient en vue d’exhiber leur adresse de main : et, de la même façon, M. Lapponi demande que l’usage de l’hypnotisme ne soit permis qu’aux seuls médecins, qu’il perde désormais tout caractère de spectacle ou de curiosité, et que le public, au lieu de continuer sottement à s’en étonner, apprenne enfin à le respecter comme l’une des ressources, à la fois, les plus délicates et les plus précieuses de la médecine.


Mais j’imagine que, parmi la foule des lecteurs du livre de M. Lapponi, plus d’un se sera borné à parcourir ces excellons chapitres sur l’hypnotisme, ou peut-être les aura entièrement passés. Ce n’est pas sur ces phénomènes, désormais admis dans la science, que l’on était curieux d’entendre le médecin du Vatican, encore qu’il les eût étudiés avec un zèle et une pénétration admirables : on voulait connaître son opinion sur les tables tournantes et l’évocation des esprits. Et le fait est que son opinion sur ces points vaut d’être connue. J’ai eu, pour ma part, l’occasion de lire bien des livres sur le spiritisme, depuis les divagations fantaisistes d’Allan Kardec jusqu’à ces deux énormes volumes de l’Anglais Myers que j’ai, naguère, analysés ici[1] : je n’en ai lu aucun

  1. Voyez la Revue du 15 octobre 1903.