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élections, et auquel nous aurons à revenir plus d’une fois, car il ouvre des vues sur un assez grand nombre de questions. Sur celle qui nous occupe en ce moment, M. Poincaré a été très explicite. « Messieurs, a-t-il dit, si l’on veut aboutir vite et bien dans l’accomplissement des réformes nécessaires, il faut que le gouvernement n’abandonne rien de son rôle directeur, qu’il propose lui-même le choix d’un programme et la méthode d’exécution, qu’il se mette à la tête et non à la remorque de la majorité, en un mot qu’il revendique hautement l’honneur et la responsabilité de gouverner. » On ne saurait mieux dire : il ne reste qu’à agir en conséquence. Ce passage du discours de M. Poincaré n’est autre chose qu’un congé en règle donné à la Délégation des gauches, telle qu’elle a existé et fonctionné autrefois. M. Poincaré ne méconnaît nullement, avons-nous besoin de le dire ? le droit qu’a la Chambre d’approuver ou de désapprouver, d’amender, de contrôler ; mais il revendique pour le gouvernement l’initiative de l’action et de la direction. L’obtiendra-t-il ? Ce serait une grande réforme et une des plus difficiles de toutes, puisqu’elle s’appliquerait à des habitudes prises et à des mœurs déjà invétérées. Aussi le succès est-il fort Incertain : mais il ne coûte rien d’espérer. En tout cas il faut applaudir aux bonnes résolutions, les encourager et en prendre acte, au risque d’avoir ensuite des déceptions. Ces déceptions devant être à la mesure de notre confiance, ne seront jamais pour nous bien grandes.

Voici donc deux thèses en présence : la thèse des jacobins qui consiste à mettre le gouvernement dans la Délégation des gauches, et celle du ministère, ou d’une partie du ministère, qui consiste à le garder pour lui. Reste à savoir quelle sera celle de la Chambre, et c’est ce qu’elle ignore encore elle-même : les circonstances la pousseront dans un sens ou dans l’autre. En attendant, les jacobins poursuivent une campagne très active en vue de préparer la reconstitution du bloc sur les mêmes bases et avec les mêmes moyens d’action qu’autrefois. Beaucoup d’encre y a déjà été consacrée, et cette encre a été quelquefois d’une qualité assez amère. M. Camille Pelletan, plus que personne, a attiré l’attention sur lui par la véhémence passionnée de sa polémique : nul n’a mis plus d’énergie à défendre le passé dans ce qu’il a eu de plus détestable, et à en faire la règle de l’avenir. Son Evangile se réduit à un seul mot : « Hors du Bloc point de salut ! » M. Pelletan ne nous a délivrés, ou n’a contribué à nous délivrer d’une Eglise que pour en imposer une autre, infiniment plus exclusive et plus tyrannique. Il en est un des principaux pontifes : les autres sont M. Combes et le général André. Il glorifie le premier et