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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/14

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consolation si nécessaire et si désirée de se voir un maître futur si capable de l’être par son fonds et par l’usage qu’il montroit qu’il sauroit en faire[1]. »

« M. le Dauphin s’applique fort aux affaires, et se rend plus affable aux courtisans, dit plus sobrement Mme de Maintenon dans une lettre au duc de Noailles. Mme la Dauphine, en prenant une place plus haute, devient plus polie et plus attentive qu’elle ne l’a jamais été ; elle fait une grande figure et n’en est pas fâchée, » et dans une autre lettre : « M. le Dauphin fait mieux depuis la mort de Monseigneur. Mme la Dauphine se fait adorer de tout le monde[2]. » Dans une lettre, à peu près de même date, à la princesse des Ursins[3], Mme de Maintenon ajoute : « Si elle se couchait un peu moins tard et s’ajustait un peu plus, elle serait parfaite. Son visage ne supporte pas la négligence qu’elle aime, et elle ne convient pas à sa place. »

En se bornant à dire : « M. le Dauphin fait mieux, » Mme de Maintenon donne cette note juste dont elle était coutumière, plus juste peut-être que le ton un peu dithyrambique de Saint-Simon. « Mieux faire » implique en tout cas un blâme de l’attitude passée. Cette attitude un peu renfrognée du Duc de Bourgogne n’avait pas laissé en effet de susciter contre lui certaines préventions, et il était des milieux où on ne le voyait pas sans inquiétude ainsi rapproché du trône. Nous trouvons l’écho de ces inquiétudes dans les Lettres Galantes de la frondeuse et un peu libertine (nous dirions aujourd’hui libre penseuse) Mme Dunoyer. « Ce qui augmente encore, écrivait-elle, la douleur des François, c’est qu’on a des préventions, qui peut-être sont mal fondées, contre M. le Duc de Bourgogne. On s’est imaginé, je ne sçais sur quoi, que le Prince n’avoit pas autant de bonté que son illustre père, et que, suivant le même esprit et le même caractère qui domine à présent, son règne n’apporteroit aucun changement avantageux[4]. » Mais ces préventions tombèrent bientôt ; c’est la même Mme Dunoyer qui va nous le dire. « L’on est las de la

  1. Saint-Simon. Édition Chéruel de 1855, t. IX, p. 302.
  2. La Beaumelle. Édition de Maëstricht de 1789, t. XI, p. 240 et 242. Nous avons déjà dit pourquoi les lettres publiées par le seul La Beaumelle, bien que toujours un peu suspectes, ne doivent pas cependant, de parti pris, être toutes rejetées. La lettre page 240 porte jolie et non pas polie. Il est probable que c’est une faute d’impression ou une altération de La Beaumelle.
  3. Lettres inédites de Mme de Maintenon à la princesse des Ursins, t. II, p. 183.
  4. Lettres historiques et galantes, t. III, p. 188.