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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/177

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ne rencontrait devant elle que l’autorité débile et les forces restreintes du sultan de Constantinople, elle ne prenait pas l’alarme et laissait faire le temps ; mais lorsqu’elle s’est aperçue que l’activité insolite de la politique d’Abdul-Hamid révélait l’efficace assistance d’une grande puissance européenne et que les progrès de l’action turque dans le monde arabe n’étaient en définitive que le masque derrière lequel s’abritait le Drang nach Osten et la poussée allemande, ses procédés ont changé, elle a pris hardiment l’offensive, suscité les révoltes de l’Yémen et du Hedjaz, donné asile, en Égypte, aux comités du « parti national arabe, » envoyé en Mésopotamie l’illustre ingénieur sir William Willcocks pour y étudier les moyens de régénérer le pays par l’irrigation, provoqué enfin l’incident de Koweit et mis à profit celui de Tabah.

Koweit et Akaba occupent, sur les deux flancs de l’Arabie, une position presque symétrique ; sur la Mer-Rouge et sur le golfe Persique, l’un fait pendant à l’autre ; Koweit est au débouché du chemin de fer de Bagdad sur la mer des Indes, Tabah et Akaba sont au débouché sur la Mer-Rouge du chemin de fer de Damas à la Mecque, au point stratégique d’où l’on maîtrise la ligne en son milieu. Qui est maître de la baie de Koweit et du golfe d’Akaba étreint à la gorge la péninsule arabique et exclut de la mer toute puissance qui viendrait à se développer en Syrie et en Mésopotamie. Les affaires de Tabah et de Koweit s’expliquent l’une par l’autre parce qu’elles se complètent l’une l’autre. On n’a pas oublié comment la Deutsche Bank ayant, à la fin de l’année 1899, obtenu la concession du chemin de fer de Bagdad qui devait aboutir à Koweit, à 150 kilomètres au Sud de Bassora, l’Angleterre chercha aussitôt l’occasion de contester à la Turquie les droits qu’elle revendiquait avoir sur cette partie de la côte ; le vice-roi des Indes soutint le cheikh Moubarek dans sa lutte contre l’émir du Nedjed, appuyé par la Porte, et lui fit accepter le protectorat anglais ; une convention conclue avec la Turquie reconnut l’indépendance de Koweit où les Anglais, de leur côté, s’engagèrent à ne plus envoyer de forces militaires. Moubarek, inspiré par les agens britanniques, ne tarda pas à émettre de nouvelles prétentions, il réclama comme faisant partie de ses États, non seulement Koweit, mais toute la côte jusqu’à l’embouchure du Chatt-el-Arab et notamment Kazima et Failaka, où se trouvent les seuls bons mouillages de