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Le Duc de Bourgogne avait été appelé successivement par le Roi à faire partie du Conseil des Dépêches, du Conseil des Finances et du Conseil d’en Haut. Jamais il ne venait au Conseil des Finances. Il avait peu de goût à ces matières qu’il connaissait mal, et il était très contraire à certaines mesures sanctionnées par le Roi. S’il était venu au Conseil des Finances, ce n’aurait donc pu être que pour y faire de l’opposition, et c’était une attitude qu’il ne voulait pas prendre. Au Conseil des Dépêches, au contraire, et au Conseil d’en Haut, il se montrait fort exact, à l’opposé de Monseigneur, son père, qui n’y venait presque jamais. Dans plusieurs affaires, il prit éloquemment la parole, entre autres dans une circonstance qui fit grand bruit à la Cour et qu’il est intéressant de rapporter, ne fût-ce que pour montrer avec quelle conscience et quelle indépendance, malgré l’arbitraire apparent de la procédure, se jugeaient certaines affaires.

On sait que Marguerite de Rohan, fille et unique héritière du duc de Rohan, l’illustre chef huguenot créé en 1603 duc et pair par Henri IV, épousa en 1645 Henri Chabot, sieur de Saint-Aulaye, d’une fort ancienne et illustre maison du Poitou, et que, trois ans après, une nouvelle érection du duché-pairie de Rohan était consentie par la Reine régente Anne d’Autriche en faveur de cet Henri Chabot et des enfans mâles qui naîtraient de ce premier mariage. Ce premier duc de Rohan-Chabot était mort depuis cinquante et un ans, et son fils, le second duc, demeurait en pleine et paisible possession, depuis plus d’un demi-siècle, du nom et des armes de Rohan, lorsque le prince de Guéménée, chef d’une seconde branche des Rohan, s’avisa, en 1700, de lui intenter un procès. Jaloux de ce que deux fils du duc de Rohan, le prince de Léon et le chevalier de Rohan, avaient figuré avec éclat à Londres, à la cour du roi Guillaume (c’était avant la rupture), tandis qu’il y vivait dans l’obscurité, il s’avisa de vouloir faire interdire aux enfans du duc de Rohan, de porter le nom et les armes de Rohan, bien que le contrat de mariage de leurs grand-père et grand’mère stipulât expressément « que les enfans qui en naîtroient porteroient à toujours et leur postérité le nom et les armes de Rohan. » Le duc de Montbazon, son neveu, se joignit à lui, mais ce qui fit l’importance de l’affaire, ce fut l’intervention au procès d’une tierce personne, appartenant également à la maison de Rohan, et qui faisait plus grande figure à Versailles non seulement que le