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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/216

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autre, croyant que les Égyptiens s’en servaient comme de gnomon pour indiquer les saisons au moyen de l’ombre, détermina, par un calcul trigonométrique, la longueur de cette ombre à l’heure de midi, à l’époque des équinoxes et des solstices. La plupart, mettant en doute sa propriété sonore, l’attribuaient à la supercherie et s’évertuèrent à décrire le mécanisme qui servait à produire la voix miraculeuse.

Dans sa Dissertation sur la statue vocale de Memnon, Letronne, il y a environ trois quarts de siècle, fit justice de ces opinions erronées. Non seulement il réfuta les argumens de Langlès et des auteurs qui avaient écrit sur le même sujet, détermina l’époque exacte à laquelle la statue cessa de se faire entendre, mais, grâce à une savante reconstitution des inscriptions, à une étude critique de chacune d’elles, il put aussi en fixer la date et donner, en quelque sorte, le caractère des personnes qui les avaient gravées. N’ayant rien à reprendre à ces appréciations judicieuses, nous n’y avons rien changé. En revanche, en dépit des inscriptions qui accusent Cambyse de la mutilation du colosse du nord, Letronne l’attribua à un tremblement de terre. Sans vérifier l’affirmation de l’éminent archéologue, on a accepté ses conclusions qu’il est difficile d’admettre quand on a vu le monument. Durant un long séjour en Thébaïde, voulant, une fois pour toutes, en avoir le cœur net, j’ai, le mètre et le crayon à la main, examiné avec le plus grand soin les deux colosses, celui du nord surtout. Le résultat de ces observations et les progrès qu’a faits l’égyptologie depuis une cinquantaine d’années, m’ont convaincu qu’il ne serait pas sans intérêt de reprendre, à nouveau, cette question, et c’est ce travail que je viens aujourd’hui présenter au lecteur.


I

Comme tous les temples pharaoniques, l’Aménophium était précédé de deux grands pylônes encadrant une porte monumentale par laquelle on accédait à l’intérieur de l’édifice. C’est à droite et à gauche de cette entrée triomphale[1]que s’élevaient les deux colosses. Images du pharaon Amenhotep III, ces statues

  1. Suivant Pline, Hist. nat., XI, 4, la statue de Memnon était placée dans le temple de Sérapis ; affirmation inexacte, car le culte de cette divinité ne fut introduit en Égypte que sous Ptolémée Soter.