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musiciennes d’or qui, suivant Pindare, chantaient en chœur à la voûte du temple de Delphes[1], ou bien encore dans le genre du Auteur de Vaucanson qui exécutait douze airs différens avec une précision tout à fait remarquable.

D’autres, connaissant le parti que les Chinois savent tirer des pierres sonores[2]pour leur musique, ont pensé qu’on avait disposé quelques-unes de ces pierres dans l’intérieur du monolithe, de manière à répercuter la voix du prêtre qui s’y tenait caché. Langlès n’était pas très éloigné de croire que ces cailloux pouvaient être frappés par des marteaux placés le long d’un clavier, semblable à celui de nos carillons[3]. Pour qu’une semblable hypothèse fût admissible, il aurait fallu que la roche possédât une chambre assez vaste pour loger un prêtre et son harmonium. Or il n’y a qu’une fissure qui, dans sa plus grande largeur, sur le côté gauche, mesure à peine quarante centimètres.

De pareilles explications sont, pour le moins, tout aussi fantaisistes que les récits des anciens qui, voyant dans ce bruit mystérieux une intervention miraculeuse, propagèrent sur la statue du divin Memnon les plus extraordinaires histoires. On prétendit que cette statue était en pierre noire, qu’elle parlait lorsque les premiers feux du jour frappaient la bouche de Memnon, et qu’alors les yeux de celui-ci devenaient aussi brillans que ceux d’un homme exposé aux rayons du soleil[4].

Indépendamment des fables concernant ce héros, on en répandit également sur les pyramides, qui, disait-on, étaient si élevées qu’elles ne produisaient pas d’ombre !

L’imagination populaire renchérissant sur les inventions poétiques, ces contes ridicules s’infiltrèrent si bien dans l’esprit des masses, que bientôt les gens ne firent le voyage d’Egypte que pour voir les pyramides et entendre la statue de Memnon, dont la voix miraculeuse éclipsait les autres merveilles. La plupart des voyageurs, soit par dévotion, soit par vanité, désirant laisser à la postérité un témoignage de leur admiration pour la statue divine, la couvrirent de nombreuses inscriptions. Nous allons examiner celles qui paraissent offrir le plus d’intérêt.

  1. Pausanias, liv. X, chap. V.
  2. On en compte quatre espèces principales : l’Yu, la plus belle et la plus précieuse ; le Niéou Yéouché ; l’Hiang-ché qui rend un son métallique, et enfin une quatrième ressemblant à du marbre.
  3. Dissertation sur la statue parlante de Memmon, p. 237.
  4. Philostrate, Vie d’Apollonius de Tyane, liv. VI, 4.