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elle-même ne devait pas se rapprocher de Varsovie tant que le Roi n’y aurait qu’une existence précaire.

« Parmi les personnes qui environnent aujourd’hui le Roi, il m’a paru distinguer le vicomte d’Agoult : homme sûr, m’a-t-il dit, et sur lequel le Roi peut absolument compter. Il m’a paru désirer aussi que le Roi continuât toujours à avoir des bontés particulières pour MM. Courvoisier, Hardomneau et Fleuriel, des services desquels il a beaucoup à se louer. La situation de M. le duc d’Aumont et du comte de Cossé m’a également paru intéresser la sensibilité de M. d’Avaray ; mais les finances du Roi ne lui permettent pas de faire aujourd’hui des traitemens fixes à aucun de ses serviteurs ; il ne m’a parlé que d’un secours de cent louis pour le premier, et d’à peu près autant pour le second, si toutefois il n’a pas touché sa pension de Russie. Il est aussi très occupé de son fidèle valet de chambre Potin, dont il espère que le Roi se souviendra toujours, quelles que soient les chances de l’avenir.

« Quant à ses affaires personnelles, M. le comte d’Avaray m’a répété plusieurs fois que tout ce qui était chez lui provenant des bontés de son maître, devait retourner à son service, quand il ne serait plus. Il désire cependant que les papiers qui le regardent personnellement soient envoyés à sa famille, quand on en aura l’occasion. Il ne recommande pas sa famille au Roi, parce qu’il est bien assuré que les bontés qu’il a toujours eues pour lui se répandront sur elle, quand il ne sera plus. Mais une faveur à laquelle il attacherait le plus grand prix, serait que le Roi fît passer dans leur écusson les fleurs de lys qu’il lui a permis de prendre dans le sien. Deux amis qu’il laisse derrière lui (MM. d’Hautefort et Charles de Damas) m’ont aussi paru l’occuper beaucoup. Il désire que le Roi ne les oublie jamais, et les regarde comme deux de ses plus fidèles serviteurs.

« En me parlant de ses papiers, M. le comte d’Avaray ma communiqué un projet qu’il m’a dit avoir conçu depuis longtemps, mais auquel la multiplicité de ses affaires l’avait empoché de travailler, c’est celui d’un ouvrage, dont les lettres du Roi formeraient, pour ainsi dire, les bases, et auquel les siennes, ainsi qu’une quantité de notes éparses que l’on trouvera dans ses papiers, serviraient de commentaire. Il m’a paru attacher une grande importance à cet ouvrage, en ce qu’il contribuerait, plus que tout ce que l’on pourrait imaginer d’ailleurs, à faire connaître le Roi à la France et à l’Europe.