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LA LITTÉRATURE POPULAIRE DE L’EXTRÊME NORD.

et des grands sapins. Et les notes d’un vert gai des jeunes feuilles pointaient sur les rameaux et se piquaient sur la frondaison sombre des vieux arbres. Derrière lui les oiseaux caquetaient ou sifflaient en s’éveillant, et les fleurettes s’entr’ouvraient, en soulevant leurs petites têtes chargées de rosée, au-dessus des brins d’herbe que reliaient entre eux des fils légers et blancs, que les hommes ne savent pas tisser.

Et sur la mousse humide qui revêtait les rochers passaient des lueurs douces ou des clartés d’émeraude, tandis que le sévère granité lui-même prenait des teintes roses et bleuâtres.

Et un vent léger réveillait, en les caressant, les fleurs mi-closes. Et les abeilles engourdies se levaient lourdement en faisant vibrer, pour les sécher, leurs ailes encore humides.

Ce cavalier ne lit que passer. Il disparut entre les arbres, au pas alerte de son cheval, qui respirait la brise en hennissant doucement.

Et quand il fut passé, l’aube éclairait le ciel.

Wassilissa continua sa route et remarqua que sur le sol, là où le cavalier avait marché, fleurissaient les trèfles roses et blancs.

Un peu plus loin, elle vit passer, dans la feuillée, un second cavalier.

Ce cavalier était vêtu de rouge. Il portait une armure rouge. Il montait un cheval entièrement rouge, à la crinière flamboyante, qui caracolait fièrement. Dans sa main il tenait une torche enflammée, et sur son passage la forêt semblait embrasée. Et, à la lueur de cette torche, Wassilissa remarqua que le visage du cavalier avait une expression glorieuse et triomphale.

Les larges masses de feuillage des aunes et des trembles frémissaient. Les aiguilles des pins crépitaient. Et les campanules violettes, auxquelles de gros bourdons vêtus de velours faisaient bruyamment la cour, s’ouvraient tant qu’elles pouvaient et se balançaient comme des cloches muettes. Et les asters au cœur jaune se redressaient en grosses touffes épanouies. Les salicaires pourprées faisaient fièrement ondoyer leurs panaches rouges le long des ruisseaux, tandis que les fougères diverses, et les balsamines, aux fleurs d’or finement et bizarrement ouvragées, au feuillage d’un vert noir et vernissé, et dont les pieds trempent dans les sources, semblaient se cacher de la lumière trop vive sous la protection des vieux sapins. Et les insectes d’or, d’un trait rapide et fulgurant, coupaient les rayons de