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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/391

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LA LITTÉRATURE POPULAIRE DE L’EXTRÊME NORD.

Le fil brûlait ses doigts tant il se formait vite. Jamais elle n’avait filé aussi vite. Et, à certains momens, il semblait à Wassilissa que d’autres mains aidaient les siennes.

Quand le fil fut filé, il était si fin que jamais on ne put trouver un métier convenable pour le tisser.

Wassilissa et la bonne femme s’adressèrent inutilement à tous les tisserands et à tous les menuisiers du pays.

Enfin Wassilissa eut l’idée, comme toujours, de confier son embarras à la poupée.

— C’est très simple, lui dit celle-ci. Donne-moi seulement un vieux métier et du crin de cheval.

Wassilissa les lui donna un soir. La poupée se mit à l’ouvrage, et le lendemain elle avait fabriqué pour la jeune fille un très bon métier, convenant à la grosseur du fil. Avec ce métier, Wassilissa tissa la toile, et, quand tout le fil de lin fut employé, il y avait dix pièces de cette toile. Elle était si fine que chaque pièce passait par le trou d’une aiguille.

Wassilissa la donna à la vieille et lui dit d’aller la vendre, mais de ne la céder qu’au roi.

La vieille prit la toile et s’en alla au palais du roi, qui était situé dans la ville voisine, sur une colline. Pendant toute une journée, elle se promena avec son paquet devant les fenêtres du palais, jusqu’à ce qu’on vînt lui demander ce qu’elle voulait. Elle répondit qu’elle désirait être conduite au roi lui-même, pour lui offrir quelque chose de précieux.

Elle fut conduite devant le roi, qui était jeune et beau, et qui lui demanda ce qu’elle apportait. La vieille lui présenta la toile, et toutes les personnes de la cour furent émerveillées. Il demanda à la bonne femme combien elle voulait vendre cette étoffe.

— C’est une chose sans prix, répondit-elle. Aussi je suis venue pour en faire hommage au souverain.

Le roi prit la toile et fit donner à la vieille une grande bourse pleine d’argent.

La toile fut admirée de tous. Le roi décida de la faire tailler pour s’en faire à lui-même des chemises. Mais, quand celles-ci furent coupées, le tissu était si fin qu’il fut impossible de trouver une ouvrière assez habile ni du fil assez fin pour les coudre.

Le roi fit exposer la toile et convoquer toutes les plus