Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Henri de Bles, considérés bien à tort comme les inventeurs du paysage pur, ce ne sont que rochers aux formes fantastiques, percés de cavernes mystérieuses, entassemens de montagnes enchevêtrées, fleuves aux sinuosités compliquées, châteaux et villes échelonnés sur leurs rives, dans des panoramas géographiques dont la bizarrerie et l’incohérence nous choquent aujourd’hui. Bien loin de piquer notre curiosité, cette excessive profusion n’aboutit, en somme, qu’à la monotonie.

De même, après avoir semé, comme au hasard, dans leurs œuvres les colorations les plus diaprées de la nature, les paysagistes, à un moment donné, sentent la nécessité de mieux régler ces colorations et de les subordonner à l’harmonie générale. C’est en vue de cette harmonie qu’ils en viennent à adopter une répartition systématique de tonalités disposées suivant trois zones consécutives : le brun des premiers plans ; au-dessus les verdures variées des arbres ; et à l’horizon, le bleu velouté des lointains. Fondée sur une observation de la nature, juste en elle-même et assez conforme aux lois de la perspective aérienne, mais généralisée outre mesure, cette répartition se remarque, vers la fin du XVIe siècle, chez un grand nombre de paysagistes, tels que Gillis van Coninxloo, Josse de Momper, Lucas van Valckenburgh, A. Gowaerts, van Uden et même Jan Brueghel, et elle donne à leurs œuvres un caractère fâcheux d’uniformité.

De tels exemples, — et nous pourrions les multiplier ici, — nous montrent combien certains courans de mode ou de partis pris systématiques abondent dans l’histoire de l’art, et comment l’imitation des procédés en vogue se substitue trop souvent à l’étude sincère de la nature, sans laquelle l’artiste tombe inévitablement dans les banalités de la routine et des redites.


II

Avec l’avènement du paysage intime, l’étude de la nature allait prendre une importance croissante. Pour donner à ses œuvres toute leur force expressive, l’artiste sentait la nécessité de pénétrer plus avant dans la connaissance des élémens pittoresques qui entrent dans la composition de son œuvre et de mettre entre eux l’accord et la cohésion d’où elle tire son caractère. La diversité de la nature est infinie et parmi la profusion de détails qu’elle offre au peintre, c’est à lui de choisir les plus