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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/579

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anime la nation. Les volontaires affluent. Mais quel est le résultat de cet effort produit par un ardent patriotisme ?

Les documens sont nombreux et unanimes qui nous en montrent l’impuissance. Camille Rousset en a trouvé un grand nombre dans les archives du Ministère de la guerre[1], qui tous font puissamment ressortir l’indiscipline, le manque de cohésion, l’ignorance professionnelle et la désertion en masse paralysant les meilleures volontés et rendent évident le vice de ces formations improvisées.

Si alors la France échappe à un désastre, elle le doit surtout aux lenteurs des coalisés, au peu de forces mises sur pied par eux, à leur manque d’entente, au décousu de leurs opérations, aux procédés imparfaits de la guerre de ce temps et, dans une plus large mesure encore, au prestige de son unité, de la suprématie du chiffre de sa population, de ses ressources et de son glorieux passé. Elle dispose ainsi des ressources nécessaires pour traverser la période difficile et former les admirables soldats qui portent si haut la gloire de notre pays.

Le général baron Thiébault, connu par ses Mémoires particulièrement remarquables, volontaire de 1792, écrivait, en 1837, au sujet de la campagne du Nord en 1793, à laquelle il avait participé, comme capitaine du 24e bataillon d’infanterie légère : « Combien de fois, de vive voix, comme par écrit n’a-t-on pas répété : « Sans généraux, sans officiers, sans soldats, nous avons battu toutes les armées du monde. » Rien n’est plus ridicule et plus faux. Sans les lenteurs systématiques des Autrichiens surtout, nous étions perdus cent fois pour une. Eux seuls nous ont sauvés en nous donnant le temps de faire des soldats, des officiers et des généraux. »

En 1813, la plus belle et la plus nombreuse armée qui eût paru jusqu’alors était restée presque tout entière sous les glaces de la Russie. Après des efforts inouïs pour en constituer une nouvelle en hommes et en cadres, tout en appliquant pendant plusieurs mois à cette tâche les ressources du plus puissant génie militaire secondé par des administrateurs et des hommes de guerre éminens, la réorganisation se trouvait si incomplète qu’au mois d’avril, quinze jours avant Lützen, les commandans de corps d’armée étaient unanimes à signaler les difficultés que

  1. Les Volontaires de 1791 à 1794.