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Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 34.djvu/594

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est massée ; aussi sûre, bien que plus lente, si elle est dispersée.

Cette considération rend le problème d’autant plus difficile qu’on admet généralement qu’un feu ajusté répartit à peu près également les projectiles sur les surfaces à battre, de sorte qu’un champ de tir, même moyennement étendu, entre des adversaires d’un dressage similaire, rendrait toute rencontre impossible.

C’est cette conviction qui, en inspirant les démarches et les études très documentées de M. de Bloch, a grandement contribué à la réunion de la conférence internationale de La Haye. Elle a conduit aussi à rechercher la solution dans la supériorité du feu obtenue, tant par une masse plus grande que par un tir mieux ajusté que celui de l’adversaire, pour annihiler ses forces plus rapidement qu’il ne serait en mesure de le faire pour les forces opposées. En tous pays l’instruction du tir prend une place de plus en plus prépondérante et ses résultats, quoique encore incomplètement étudiés, ont paru si important que l’on n’escompte plus seulement le tir ajusté, mais que l’on arrive à compter sur le tir de précision. La conséquence rationnelle de ces erremens, s’ils étaient exacts, assurerait à la défensive une supériorité incontestable sur l’offensive, et l’on serait conduit à reproduire les instructions déplorables données, à cet égard, à notre armée, au début de la guerre de 1870.

L’importance du tir, certainement très grande, n’est cependant que relative. J’ai établi, dans une série d’articles parus pendant les premiers mois de l’année 1894[1] dans la Revue des sciences militaires, que, dans la bataille, l’état d’âme des combattans les empêche le plus souvent d’ajuster, quand il leur permet de placer l’arme à l’épaule, quelle que soit d’ailleurs leur habileté individuelle au tir, et qu’il en résulte une grande incertitude sur les points de chute des projectiles. En suivant pas à pas la marche d’une des premières batailles du mois d’août 1870, que de multiples documens tant français qu’allemands font connaître dans le plus grand détail, et en examinant les pertes subies de part et d’autre, à toutes les distances sur la partie de son étendue présentant les conditions les plus favorables au tir, il est aisé de constater que de grands espaces visibles aux deux partis ont été occupés et traversés, presque sans que les balles

  1. Aperçus sur le feu et les procédés de l’Infanterie au combat.