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successives dans lesquelles se meut ou stationne chaque fraction, grande ou petite, parfois même l’individu, dans son groupe, comme aussi l’obligation d’en déduire la conduite à tenir et l’initiative à prendre.

La tension d’esprit et la préoccupation résultant de la nécessité de cette observation et de cette action personnelle aideront puissamment à soustraire les combattans à l’énervement et aux impressions déprimantes de la bataille, en les tenant sans cesse en éveil, et augmenteront leur effet utile, dans des proportions inappréciables, tout en limitant leurs pertes au minimum. On objectera, non sans raison, que c’est demander à la masse une faculté d’observation, de jugement et de décision en tout temps peu commune et d’autant moins fréquente au combat qu’elle doit s’y produire dans des conditions et sous des impressions peu favorables à son éclosion, de sorte qu’elle ne sera jamais que l’apanage d’une élite des plus restreintes.

En effet, de même que les formations improvisées n’ont donné dans le passé que des élémens sans valeur, les procédés actuels sont incapables de prêter au jugement la rectitude et la promptitude nécessaires. Entés sur une éducation incomplète et des idées surannées qui conduisent à l’automatisme et aux solutions toutes faites plus ou moins bien assimilées auxquelles la réflexion et la méditation personnelles restent étrangères, ils tendent à les voiler, sinon à les étouffer, chez ceux mêmes auxquels, dans des conditions plus favorables, elles seraient devenues aisément familières.

Les facultés mentales s’étiolent et s’atrophient, comme les organes physiques, quand elles ne sont pas exercées, et l’habitude invétérée de mécanismes préalablement établis et exclusivement étudiés détermine, au lieu d’une diversité féconde, une uniformité de solutions comparables à la thérapeutique du docteur Sangrado, n’admettant d’autres réformes que des modifications dans la forme de l’instrument et la température de l’eau.

L’effort intellectuel dévoyé se perd dans des minuties d’ordre secondaire et ne vise plus les points essentiels. L’esprit se satisfait de prescriptions sans sanction. De là l’importance attachée à la règle et l’attente de formules s’adaptant victorieusement à toutes les situations. Est-il besoin de répéter que cet espoir, toujours déçu, est chimérique et qu’il n’y a d’autre solution